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Expositions de Renaud Auguste-Dormeuil et Guillaume Herbaut – Emanuela Meloni Annette Merkenthaler – Pierre-Lin Renié – Bruce Wrighton Jerzy Lewczyński – Les amis de Lewczyński : Beksiński, Schlabs, Piasecki Agnieszka Polska – Tadeusz Rolke – Nicolas Grospierre – Józef Robakowski Centre d’art et photographie de Lectoure « Que ce soit un paradoxe ou une dialectique, l’étendue de l’amnésie dans notre culture n’est égalée que par une fascination toujours plus prégnante pour la mémoire et le passé. » Andreas Huyssens Si tous ces artistes ont en commun une volonté d’exploration, leurs préoccupations sont aussi différentes d’une génération à l’autre que les contextes historiques de leurs créations. Ainsi, en Pologne dans les années 50, le bouillonnement artistique né du dégel qui suit la mort de Staline remet d’actualité la question du statut artistique de la photographie. Lewczyński et d’autres artistes ont alors cherché des formes nouvelles d’écriture photographique – telles que le montage, la photo trouvée, l’image négative, etc. – pour sortir de l’impasse de l’académisme et se libérer du modèle obligé du reportage. Lewczyński a nommé ses recherches « anti-photographie » en référence au Nouveau roman français. Les photographies de Tadeusz Rolke et de Guillaume Herbaut, les œuvres de Renaud Auguste-Dormeuil, dérangent parce qu’elles dévoilent des réalités occultées, dont la prise en compte oblige à revoir les dogmes, les idées simples et autres certitudes manichéennes. Renaud Auguste-Dormeuil et Guillaume Herbaut se sont rencontrés en 2004 à Lectoure, où ils exposaient l’un et l’autre. Suite aux échanges nés de cette rencontre, ils ont conçu pour l’Été photographique 2013 leur première exposition commune, L’un photographie, l’autre pas, dont Anne Stenne assure le commissariat. Par des voies différentes, tous deux s’attachent à révéler les images oubliées dans le point aveugle des médias. L’expérience de la photographie L’Été photographique de Lectoure 2013 a été réalisé : En collaboration avec : Musée national de Gliwice (Pologne) Association Gwin Zegal (Guingamp) MAC/VAL FRAC Pays de la Loire Galerie In Situ Les Douches La Galerie Laurence Miller Gallery Collection Masathis Avec le soutien de : Institut polonais à Paris Institut Adam Mickiewicz Ambassade de France en Pologne Goethe Institut de Toulouse Avec les partenaires de Lectoure : Ateliers municipaux Cinéma Le Sénéchal École Jean-François Bladé Lycée Saint-Jean Office de tourisme Intermarché Café des sports La Chocolaterie Cigale é Fourmi Fleurons de Lomagne Pour le repas du vernissage : Le Floc de Gascogne Les Floriades Le Cercle pongiste lectourois Primeurs Lectourois Boulangerie Spruyt Nous remercions particulièrement : Brigitte Bouvier et Henri Herré Cezary Pieczyński Michel Métayer Grzegorz Krawczyk, directeur du Musée national de Gliwice — Sous le titre Deux générations d’avant-garde de la photographie polonaise, l’Été photographique réunit cinq expositions qui donnent le ton de l’ensemble de cette édition : celui de l’expérimentation. En effet, pour la plupart, les œuvres exposées explorent la singularité de la photographie et ses potentialités artistiques. La démarche consistant à pousser le médium à ses limites est revendiquée par Nicolas Grospierre, né en 1975, comme elle l’avait été par Jerzy Lewczyński et les représentants de l’avant-garde polonaise des années 50. L’expérimentation est également au cœur des projets artistiques d’Agnieszka Polska, Renaud AugusteDormeuil, Annette Merkenthaler, Pierre-Lin Renié, mais aussi de Józef Robakowski, dont les films (vidéo et cinéma) feront l’objet de trois séances au cinéma de Lectoure. Cette question de la légitimité artistique de la photographie n’est plus la préoccupation des artistes actuels, qui produisent leurs œuvres dans le contexte de la toute-puissance des médias, des flux continus d’informations et de la prolifération d’images dématérialisées sur la toile et les réseaux sociaux. « Dès que je me suis aperçu que tout allait se ramener à l’écran, je n’ai eu de cesse de penser aux moyens de l’éviter, et ce sans pour autant me réfugier dans la forêt. Il s’agit de préserver des moyens d’action participante, en inventant une nouvelle situation écologique » (Józef Robakowski, dans un entretien en 1995). Une autre tonalité de cet Été est la dimension humaniste portée par des photographes de quatre générations – Tadeusz Rolke (1929), Bruce Wrighton (1950-1988), Guillaume Herbaut (1970), Emanuela Meloni (1987). Leur approche empathique, lucide et sans complaisance, en s’abstenant d’esthétiser ou d’idéaliser les personnes photographiées, s’approche au plus près de la réalité de leur condition, sans craindre de déranger le spectateur. Le face à face ne laisse pas d’échappatoire à qui regarde les portraits de Bruce Wrighton ou d’Emanuela Meloni. L’artiste allemande Annette Merkenthaler, pour qui l’espace public est depuis longtemps un terrain d’expérimentation, installera en plusieurs points de Lectoure des œuvres spécialement conçues pour ces lieux (commissariat de Michel Métayer). Comme à chaque édition, l’Été photographique privilégie les découvertes : les expositions de Guillaume Herbaut et Renaud-Auguste Dormeuil, Pierre-Lin Renié, Annette Merkenthaler ont été créées pour l’Été photographique ; celles des artistes polonais, dont le commissariat est assuré par Patrick Komorowski et Gunia Nowik, n’ont pour la plupart jamais été montrées en France. François Saint Pierre 1 Hôtel de ville – Ancien tribunal — Renaud Auguste-Dormeuil et Guillaume Herbaut se sont rencontrés en 2004 à Lectoure, où ils exposaient l’un et l’autre pour l’Été photographique. Suite aux nombreux échanges nés de cette rencontre, ils ont imaginé une nouvelle mise en perspective de leur travail dans une exposition commune : L’un photographie, l’autre pas. Renaud Auguste-Dormeuil S’intéressant l’un et l’autre à la fabrication des images, à leur provenance, leur statut et leur réception, respectivement depuis les champs de l’art et du journalisme, Renaud Auguste-Dormeuil et Guillaume Herbaut nous donnent dans cette exposition une double lecture de leur obsession partagée pour la restitution des images manquantes. Le premier utilise des documents existants comme des outils révélateurs de sens. Depuis son atelier, il collecte des images et des documents produits par les médias, l’administration ou le net, puis par un travail de fragmentation et de recomposition, brouille les pistes en se réappropriant les modes de représentation. Guillaume Herbaut, photographe, en prise directe avec le réel, s’immerge durant des mois sur le terrain (Ciudad Juarez, Tchernobyl, Auschwitz, Nagasaki, l’Albanie…) et revient parfois plusieurs années après retrouver les personnes qu’il avait rencontrées au sein de ces populations en sursis. À la croisée de plein de chemins, il multiplie les expériences et les collaborations en explorant à la fois le photojournalisme, la vidéo, le son et l’écriture. Commissaire de l’exposition : Anne Stenne Renaud Auguste-Dormeuil L’un photographie, l’autre pas, mais chacun choisit de « faire voir » plutôt que de « faire croire », prenant à contrepied la sur-médiatisation des événements. Dans un monde sans limites et sans repères, marqué par la surabondance d’informations, ils s’arrêtent sur l’absence même d’image des zones inexplorées de l’ante et post événement. Aux lisières du visible, leurs images se situent avant ou après le drame, que ce soit en revenant sur l’insouciance des instants qui le précèdent pour Renaud Auguste-Dormeuil ou sur le traumatisme qui suit pour Guillaume Herbaut, celles-ci semblent suspendues dans le temps. — Je travaille essentiellement sur le document. C’est-à-dire sur la fabrication du document, et en tant qu’artiste, il y a deux attitudes possibles quant à cette question. Soit l’artiste sort de l’atelier et capte des images du réel. Il fabrique alors du témoignage et rapporte des images devenues des documents. et Guillaume Herbaut Sous forme d’ellipse ou de persistance, leurs œuvres nous troublent et dérangent notre perception de l’histoire, jusqu’à nous bouleverser. Alors qu’aujourd’hui, nul ne peut les appréhender de manière « innocente », que reste-t-il en nous de ces images, comment font-elles appel à notre bonne ou à notre mauvaise conscience ? L’un photographie, l’autre pas La deuxième attitude est celle que j’ai choisie. Ne pas sortir de l’atelier et collecter des documents et les images que produisent ou fabriquent les médias, l’administration, le net… De ce deuxième point de vue, la question centrale n’est plus de savoir comment on fabrique l’image, mais davantage comment on fait glisser une image ou un document dans le champ artistique. Renaud Auguste-Dormeuil et Guillaume Herbaut s’engagent, chacun à leur manière, dans une lutte contre l’oubli et nous révèlent ce qui est dissimulé, ce qui ne se voit pas ou qui ne se voit plus. En (re)prenant le contrôle des images et par là-même celui du langage, ils brisent la narration traditionnelle et sortent du carcan des représentations habituelles qui façonnent notre mémoire collective ou individuelle. Renaud Auguste-Dormeuil, entretien de Marc-Olivier Whaler dans Bird’s eye view, 2008. Dans l’Ancien tribunal, salle après salle, face à la mémoire des tragédies sourdes de l’histoire leurs œuvres témoignent d’une résistance encore possible. Anne Stenne Anne Stenne est commissaire d’exposition basée à Lyon. De 2005 à 2009, elle travaille au MACBA à Barcelone, notamment pour l’exposition « Un théâtre sans théâtre ». Depuis 2010, elle est chargée des expositions et des projets artistiques à l’Institut d’art contemporain, Villeurbanne. Visuel : Renaud Auguste-Dormeuil, Les Ambitieux, tirage lambda couleur 18 x 13 cm, 2008. Courtesy galerie In Situ – Fabienne Leclerc. Renaud Auguste-Dormeuil (1968) vit entre Paris et Rome. Représenté par la galerie In Situ – Fabienne Leclerc (Paris), il est invité par le MAC/VAL pour une exposition personnelle à l’automne 2013. Créée à Lectoure en 2004, son œuvre The Day Before Star System a été montrée à l’Institut Suisse de New-York, à la Fondation Caixa à Barcelone et au Palais de Tokyo à Paris. 1 Hôtel de ville – Ancien tribunal Guillaume Herbaut — Je pense que le premier objectif de mon travail, c’est d’être publié dans la presse. Je fais ce travail pour les journaux ; je ne le fais pas pour exposer dans des galeries. Hôtel de ville – Salle des Pas perdus Au tout début de mon travail, quand j’étais en noir et blanc, en 24 x 36, je travaillais déjà avec un preneur de son qui m’accompagnait sur mes reportages. Ensuite, je faisais des courts-métrages à partir de mes photos. Donc dès le départ j’étais dans cette problématique de penser autrement la photographie de reportage. […] Le passage à la couleur participe d’une rupture avec une certaine manière de faire du photojournalisme, la rupture avec une école, celle de l’humanisme en photographie. Je viens vraiment de là, de ces photographes qu’on dit humanistes et je me dis qu’il y a des limites à cette photographie. Parce que, après tout, on est toujours en train de dire, dans la photographie humaniste : « Regardez, malgré la pauvreté, ces gens-là vont bien ». On a un regard complaisant, occidental sur les choses […]. Je fais de la photographie pour poser des questions, je ne donne aucune réponse, je veux provoquer des questionnements. Guillaume Herbaut, entretien dans peauneuve.net de Guillaume Bozonnet et Nathalie Petitjean. Guillaume Herbaut (1970) vit à Paris. Représenté par l’agence Institute for Artist Management, membre fondateur de l’agence Œil Public. Il a notamment exposé à Visa pour l’image, au Centre photographique d’Île-de-France, au Jeu de Paume et plus récemment au Pavillon carré de Baudoin à Paris. Plus d’infos : www.guillaume-herbaut.com Visuel : Guillaume Herbaut, 5/7:Urakami, 2005. 1 Au début du XXe siècle, la Sardaigne était une terre d’accueil privilégiée pour les immigrés qui se destinaient à travailler dans les mines. Pendant la période fasciste, aux alentours de 1938, une ville entière, inaugurée sous le nom de Carbonia, la ville du charbon, a été dessinée et pensée pour les mineurs qui venaient travailler dans la région. Cette dernière mine, et ces derniers mineurs, sont donc l’épilogue d’une tradition séculaire encore présente mais bientôt destinée à entrer dans le passé. Hommes et femmes qui marchent pendant des kilomètres dans des galeries obscures et silencieuses, presque comme des fantômes, ne sont qu’une « race en voie d’extinction ». Mine de charbon, Sardaigne, 2012-2013 Emanuela Meloni Cinquante-sept-mille-six-cent — Cinquante-sept-mille-six-cent est un projet qui parle d’un noir profond, celui du centre de la terre, et d’un blanc aveuglant, celui de la lumière du jour, du soleil du Sud, trop fort pour des yeux habitués à l’obscurité. Ce projet parle du temps des derniers mineurs d’Italie dans l’obscurité et le silence des tunnels. 57 600 est le nombre d’heures qu’ils passent sous terre pendant trente ans de leur vie. Sans même réaliser où ils se trouvent – le ventre d’un animal, un film de sciencefiction – les mineurs marchent comme si la routine du travail les empêchait de s’arrêter, de regarder autour d’eux et de réaliser ce qu’ils vivent. Il est étonnant d’observer leur capacité d’adaptation à cet espace rude, qui est le leur pendant une grande partie de leur vie. La force et la fierté autant que la fatigue et la dureté du travail se révèlent tout à coup sur leur visage, dans leur regard simple et chargé de sens. Même effacées par la douche, les traces du charbon les rendent reconnaissables car elles sont gravées en profondeur dans leur corps. Le charbon, le noir ne les abandonnent jamais. Née en 1987 à Cagliari (Sardaigne), Emanuela Meloni a fait des études en sciences politiques, puis une licence de philosophie avant d’être admise à l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles, où elle termine sa première année. Eux-mêmes se définissent de la sorte sous l’amertume de leur rire. Marqués par une histoire commune, liés par l’expérience du sous-sol, les mineurs portent sur leurs épaules la responsabilité d’un comportement humain qui se veut dominateur de la nature. Cette nature qui, au contraire, les domine de cinq cents mètres de terre au-dessus de leur tête et leur rappelle continuellement leur fragilité. Seul, celui qui a travaillé dans ces profondeurs sait réellement ce que veut dire être mineur : c’est presque un modus vivendi, quelque chose qui, avec le temps, l’accompagne même quand il laisse derrière lui l’obscurité et l’air raréfié. Être mineur, et l’être en Sardaigne, signifie beaucoup plus que simplement travailler pour « gagner son pain ». Ce noir, ces galeries sont les toiles de fond de leur vie. Leurs visages, leurs yeux sont les dernières images d’un monde qui risque d’être oublié quand il n’appartiendra plus qu’au passé. Emanuela Meloni Visuel : Emanuela Meloni, Cinquante-sept-mille-six-cent, 2012-2013. 2 École Jean-François Bladé et espace public — Dans un fossé devant la façade de la mairie, deux taureaux sont paisiblement couchés au ras d’un tas de terre où poussent quelques brins d’herbe : voilà Janus. Le diptyque dédié au dieu à deux visages ouvre et ferme l’accès du bâtiment. À leurs pieds, l’herbe est née à même la photographie. De part et d’autre de l’entrée, les deux pièces continuent aujourd’hui de prêter vie à ce taureau. Mais elles participent d’un autre temps, celui de l’image, d’une image travaillée et manipulée : recouverte de terre, elle fut ensemencée, puis photographiée à nouveau avant d’être installée en cet oppidum du Gers. En elle trois temps coexistent : ceux du taureau sur le champ de foire, de la pousse de l’herbe dans le jardin l’installation des photographies dans le fossé en contrebas interdit au visiteur de les voir de face et en entier. Leur combinaison procède comme d’un démontage du visuel : l’installation en est un raccourci temporel et spatial. Annette Merkenthaler, en effet, ne s’embarrasse guère du réel. Elle joue au contraire à le reconstruire à sa manière, à le déplacer, l’insérer ailleurs. Creusant le sol, elle suscite l’apparition divine d’une eau bleue qui glisse sous sa surface (Diane). Ailleurs surgissent les formes inattendues d’insectes géants en train de lécher des gouttes de sirop sur des photos de peau fortement agrandies (Mouches de Hesse). Tout près de là, l’eau croupissante et vaseuse d’une bassine est jonchée de pièces de monnaie (Fortuna). Plus loin, dans un bassin, le déferlement d’une vague marine flotte entre deux eaux (La vague) : l’artiste invite à y plonger le regard pour observer le croisement entre fontaine et vague. Annette Merkenthaler de l’artiste et le nôtre comme visiteurs. Aucun des trois ne dissimule l’inadéquation qui fonde cette composition : la couleur défraîchie de la photographie du taureau atteste de sa traversée du temps, le tas de terre et la couche de la bête s’inscrivent sur des plans en décalage, Née en 1944, Annette Merkenthaler vit à Fribourg en Brisgau. Son travail se fonde sur les modifications que la matière, y compris celle de la photographie, subit lorsqu’elle est soumise aux hasards du temps. Une fois fixées par le cliché, dégradations et complexifications sont souvent remises en jeu dans un nouvel abandon au processus du temps. Car c’est de là, de ce regard porté sur le petit, par grossissement et alliances insolites, qu’elle tire ses étoiles quotidiennes, lesquelles feront notre fortune. Esthétiques, les tensions de ces images naissent de rapports d’échelle, de l’incongruité de la composition. Temporelles, elles prennent corps dans la superposition des strates et leur surgissement soudain. Dans cette perturbation, le passé rappelle au présent qu’il a été et existe, aujourd’hui encore. Ainsi, par sa résurgence bleue, la fontaine de Diane nous signifie-t-elle que de ses réserves souterraines elle alimentait Lectoure. Il n’est pas ici de nostalgie d’un passé révolu, seulement sa persistance dans le présent. Par leurs juxtapositions fortuites, ces marques configurent intervalles et topologies anachroniques. Michel Métayer Michel Métayer (1947) vit à Paris. De 2000 à 2012, directeur de l’École des beaux-arts de Toulouse. Commissariat d’expositions, organisation de colloques, publications, notamment sur la poésie et la photographie. Depuis 2012, co-directeur de l’édition intégrale critique des Œuvres et Inédits de Walter Benjamin (éditions Klincksieck). Commissaire de l’exposition : Michel Métayer Visuel : Annette Merkenthaler, Fortuna-2, 2011. Centre d’art et photographie 3 « Levez les yeux vers le ciel, regardez en bas vers la terre. » Livre d’Isaïe, 51,6. — Depuis 2004, par une pratique quasi quotidienne de la photographie, j’ai formé une collection de plus de 2700 images. Simples et descriptives, de sujets très variés, elles constituent le matériau des expositions et publications que je produis. Les deux registres, terrestre et céleste, forment deux voix continues qui ceinturent l’espace de l’exposition et courent tout au long des quatre saisons. Les deux types d’images utilisés s’inscrivent dans des genres établis de l’histoire de la photographie, ce qui est l’un des aspects récurrents de mon travail. Le ciel et les nuages sont un lieu commun de la Pierre-Lin Renié Ciel / Sol est un projet spécifique pour le rez-de-chaussée du Centre d’art et photographie de Lectoure. Il se compose de vingt-huit affiches format « panneaux Decaux » (176 x 120 cm), collées directement au mur, bord à bord. Chacune comprend deux images prises le même jour ; celle du bas ne représente que le sol et ce qui s’y trouve, celle du haut ne représente que le ciel, plus ou moins nuageux. Elles sont reliées par un blanc central, dans lequel s’inscrit la date de prise de vue. Ces affiches sont classées par date, sans tenir compte de l’année. De janvier à décembre, se déroule ainsi une année calendaire fictive, qui en contient en réalité plusieurs autres. L’ensemble du projet est ainsi rythmé par l’alternance des saisons. Visuel : Pierre-Lin Renié, Ciel-sol, affiche 176 x 120 cm, 5 mars 2013. Ciel / Sol photographie, tant chez les amateurs que les artistes et les scientifiques. La vue de sol, matières ou détritus, renvoie aussi bien à une tradition de la Straight Photography américaine qu’à celle de l’objet trouvé surréaliste. De manière plus générale, la vue en plongée renvoie au vocabulaire des avant-gardes de la première moitié du XXe siècle. Au milieu, l’inscription de la date ancre une ligne d’horizon. Ciel / Sol revient à définir notre position continuelle dans l’espace : regarder en haut, regarder en bas ; décrire à la fois ce qui est en dessous de nous, plus ou moins proche, et ce qui est au dessus de nous, infiniment lointain. Pierre-Lin Renié Pierre-Lin Renié (1966), vit à Bordeaux. Il est professeur à l’École d’enseignement supérieur d’art de Bordeaux. Diplômé de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles, il a assuré le commissariat de plusieurs expositions notamment en tant qu’attaché de conservation au musée Goupil (Bordeaux). 3 Centre d’art et photographie — Voici le monde de tous les jours, comme il existait et comme il existe encore dans certains endroits, immeubles modestes rendus attrayants grâce à de beaux ciels, rues gribouillées par des lignes téléphoniques, intérieurs endimanchés dans des capitonnages en plastique, consciencieusement glorifiés par des drapeaux, rendus pimpants par des appareils brillamment éclairés, et parfois involontairement liés au surréalisme par le voisinage inattendu des objets. Wrighton regarde ce monde en face, les problèmes, en ont rempli leur sac à dos, et se sont présentés face au photographe. […] Patricia Flery (veuve de l’artiste) disait que son mari n’était pas un homme politisé et n’a jamais vu son travail comme une déclaration politique. Il pensait plutôt qu’il y avait une sorte de lien entre les marginaux et les artistes, que ni l’un ni l’autre ne pouvait réellement s’adapter et que les personnes désavantagées économiquement ou psychologiquement l’étaient aussi par le fait de ne pas pouvoir s’exprimer à travers l’art. At Home Les années Reagan D’après Vicky Goldberg Mais ce qui l’intéressait le plus, c’était les gens du centre-ville, […] travailleurs pauvres – hommes et femmes sous-payés – chômeurs et personnes marginalisées pour une raison ou une autre. […] Quelques-uns auraient presque pu réussir à intégrer la classe moyenne, les autres sont des pauvres ou ceux que la Direction des conseillers économiques a désignés en 1967 comme des « presque pauvres », autrement dit à la merci d’un seul revers – un emploi perdu, une maladie, quelques mois de loyers non payés – pour glisser dans la pauvreté. La plupart des sujets de Wrighton ont accumulé En collaboration avec les galeries Les Douches La Galerie (Paris) et Laurence Miller (New York). Visuel : Bruce Wrighton, Sergio’s Tailor Shop, Binghamton, NY, 1986. Courtesy Les Douches La Galerie. La Halle Deux générations d’avant-garde de la photographie polonaise — Jerzy Lewczyński (1924) est un acteur et un témoin de premier plan de la scène photographique polonaise de la seconde moitié du XXe siècle. L’exposition présentée à Lectoure en partenariat avec le Musée national de Gliwice est sa première exposition monographique à l’étranger. En une centaine de tirages originaux et d’épreuves de lecture, allant de 1955 à 2010, elle retrace les étapes du passage d’un exercice subjectif du regard D’après Vicky Goldberg Bruce Wrighton le salue chaleureusement et respectueusement, tout en prenant note de ces réussites esthétiques involontaires. […] 4 ce que l’on ne peut voir, voir ce que l’on ne peut dire. Jerzy Lewczynski Dire (les expérimentations formelles des années 1950), à la pratique de la photographie trouvée, faisant de l’image dans sa matérialité la dépositaire du témoignage. Issu du milieu amateur, Lewczyński expose dès les années 1950, décennie dominée au début par la terreur stalinienne et le réalisme socialiste comme unique modèle artistique, puis, à la faveur du dégel qui a suivi la mort de Staline, par un important bouillonnement culturel. La domination du pictorialisme en Pologne dans les années 1920-1930 a privé les photographes de la jeune génération de repères formels ou théoriques. On voit apparaître de multiples tendances, faites d’emprunts tantôt au Bauhaus, tantôt au surréalisme. C’est dans ce contexte que Lewczyński fait ses premières armes en réalisant des photogrammes, des photomontages Après des études en arts plastiques, Bruce Wrighton (1950-1988) a travaillé à Binghamton (New York), ville industrielle en déclin. L’œuvre comprend trois séries réalisées à la chambre 20 x 25 cm, près de chez lui dans le centre-ville : Street Portraits met en scène des petites gens, Dinosaurs and Dreamboats des voitures du temps révolu d’une Amérique débordante de confiance, St. George and the Dragon l’intérieur des bars, églises et logements. par superposition de négatifs et des photographies usant de la contre-plongée. Lewczyński cherche à éviter l’écueil du formalisme. Si le regard subjectif sur le monde extérieur est convoqué, c’est pour dire quelque chose sur l’homme et ses expériences passées : la guerre, la faim, la mort, mais aussi l’espoir, l’humour. Son approche documentaire laisse paraître un réalisme sombre, compensé parfois par l’humour des titres. La rencontre avec Beksiński et Schlabs à la fin des années 50 marque un tournant dans son travail, au moment où la photographie polonaise voit la montée en puissance du photoreportage (cf. l’exposition Les amis de Lewczyński). Patrick Komorowski Dans les années 1960, l’approche de Lewczyński se fait plus Commissaire des expositions : Patrick Komorowski En collaboration avec le Musée de Gliwice. Coproduction de l’association Gwin Zegal (Guingamp). Visuel : Jerzy Lewczyński, Triptyque, 1971. anthropologique. Il documente les traces écrites laissées par l’homme : graffitis, inscriptions, enseignes et s’intéresse aux photos vernaculaires, images sans qualité (pierres tombales, vitrines des studios photographiques…). À la fin des années 1960, il réitère le saut conceptuel, la « mise à mort de l’auteur » en utilisant dans un polyptique d’abord ses propres photos de famille, puis celles trouvées par hasard. Dans les années 1970, il développe ce travail par des agrandissements extrêmes révélant soit des scènes invisibles à l’œil nu, soit la gélatine du négatif. Historien de la photographie, spécialiste de la photographie polonaise, Patrick Komorowski a codirigé la galerie Asymetria jusqu’en 2011 avant d’ouvrir sa propre galerie à Varsovie. Deux générations d’avant-garde de la photographie polonaise La Halle 4 4 Œuvres de la collection Cezary Pieczyński — À partir de 1957, Lewczyński, Beksiński (1929-2005) et Schlabs (1920-2009), préparent ensemble plusieurs expositions, dont La Présentation fermée à Gliwice en 1959, qui marquera l’histoire de la photographie polonaise. Outre la forme particulière de la manifestation, Beksiński et Lewczyński travaillent sur les effets de sens produits par les associations d’images. Dans un contexte où l’on donne le photoreportage comme modèle à suivre pour la photographie artistique, l’exposition est accueillie sèchement par les critiques. À la fin des années 1950, Lewczyński se lie d’amitié avec Marek Piasecki (1935-2011), dont les œuvres abstraites sont exposées aux côtés du groupe post-surréaliste Phases en 1959. Les amis de Lewczynski : La collection de Cezary Pieczyński — Établi à Poznań où il dirige la galerie Piekary qu’il a fondée en 2003, Cezary Pieczyński débute sa collection dans les années 1990. Il s’est d’abord intéressé à des artistes polonais et étrangers des XXe et XXIe siècle Beksinski, Schlabs, Piasecki Dans La crise de la photographie et les perspectives pour la surmonter, publié en 1958, Beksiński écrit : « La photographie vit une crise. Si les opinions varient sur les raisons de cette crise, une conviction domine quant à la méthode pour la surmonter : le reportage artistique. […] Sans être opposé à celui-ci, je doute des bienfaits de son influence sur la photographie en général. En dépit des apparences, il existe dans la crise actuelle des possibilités de progrès. Personnellement, je n’en vois que deux : l’usage conventionnel de l’appareil photo associé au photomontage et, en rupture avec la technique traditionnelle de la photographie, les recherches pour transformer la photographie en art abstrait, sans référence à la réalité. Je ne sais quelle est la voie la meilleure. […] Il se peut aussi que la photographie n’ait été un art que pendant un temps, et qu’elle tombe sous peu dans l’oubli ». Visuel : Bronislaw Schlabs, Sans titre, circa, 1956. Courtesy collection Cezary Pieczyński. En soumettant ce qui relève de l’antérieur à ce qui relève de l’irréel, elle s’efforce à la fois de révéler l’asymétrie et la complémentarité entre la mémoire cognitive et l’imagination créatrice. Dans L’Oubli de noms propres (2009), Polska s’intéresse à l’une des carences de la mémoire, décrite dans le texte éponyme de Freud, Agnieszka Polska Plusieurs lignes de force traversent la collection : celle représentée par les artistes polonais qui ont tenté de réactualiser les acquis de la Nouvelle Vision dans les premières années d’après-guerre puis après la fin du réalisme socialiste à partir de 1953 (Beksiński, Lewczyński, Janik, Schlabs, Piasecki, Pawłowski…). La seconde ligne de force va des années 60 à nos jours. Elle regroupe notamment des artistes des différents courants de la néo-avant-garde polonaise des années 1960-1970, dont les œuvres sont nées de pratiques liées au film expérimental ou à l’art vidéo (Robakowski, Waśko), à l’art corporel (Natalia LL), à l’art conceptuel (Z. Dłubak), mais aussi des artistes contemporains faisant du corps l’un des enjeux de la représentation. Enfin, la collection regroupe un important corpus de photographies d’artistes étrangers reconnus sur la scène internationale. par le moment de la reconnaissance de l’image-souvenir. […] À Lectoure, à travers trois de ses films, Agnieszka Polska questionne les limites de l’objectivité de la connaissance historique. et de documents photographiques. En s’appuyant sur des témoignages et des photos en noir et blanc, notamment de Tadeusz Rolke, elle reconstruit un environnement (VIIIe Présentation syncrétique, 1968) de Włodzimierz Borowski […]. Alors que le lieu d’origine était constitué d’objets de couleur, la phase finale de ce travail est un film en noir et blanc adoptant une forme documentaire. Polska opère ainsi une analyse critique de la prétendue transparence de la photographie, de sa valeur de témoignage. La part invisible faisant usage de différents médiums : peinture, sculpture, œuvres sur papier et photographie. Depuis 2003, il privilégie la photographie. À Lectoure, la collection Cezary Pieczyński fait l’objet pour la première fois d’une exposition hors de Pologne. Commissaire des expositions : Patrick Komorowski — Ricœur rappelait que la mémoire – « l’énigme de la représentation présente d’une chose absente qui exista auparavant » – porte en soi une contradiction insoluble. La mémoire, qui est présence en image de ce qui n’est plus, entretient un rapport de proximité avec l’imagination, qui, elle, est présence en image de ce qui n’est pas. Pour l’historien, dont la tâche est d’élaborer un « récit vrai », la transition de la mémoire à l’histoire passe La Halle se manifestant par l’oubli temporaire de noms propres remplacés par de fausses réminiscences.[…] Dans Sensibilisation à la couleur (2009), elle s’interroge sur la possibilité de restituer les pratiques artistiques éphémères des années 1960, auxquelles nous avons accès par le biais de comptes rendus Née à Lublin en 1985, Agnieszka Polska vit à Varsovie. Elle a étudié aux académies des beaux-arts de Cracovie puis de Berlin. Par le biais de la photographie, du photomontage, du film d’animation et de la vidéo, elle se livre à des réappropriations du passé dont elle s’efforce d’extraire le sens caché, oublié, refoulé. Si les imperfections de la mémoire constituent les principaux ressorts de sa pratique, c’est par le prisme de l’erreur d’interprétation, de l’approximation ou de la mystification qu’elle s’attèle à refaçonner le réel accompli. Le point de départ du film How the Work is Done (2011) est une grève menée en 1956 par des étudiants de l’académie des beaux-arts de Cracovie. Alors que la date suggère que cette action a pu avoir un caractère politique – la même année a eu lieu pour la première fois en République populaire de Pologne une grève ouvrière réprimée dans le sang –, le narrateur ne donne pas de précisions sur les raisons qui ont poussé les étudiants à occuper leur atelier, ramenant ainsi l’action à un pur acte de désobéissance. Alliant des images d’animation et des prises de vue réalisées dans un atelier, Polska souligne l’importance de la mise en récit de l’histoire. Le passé y prend la forme allégorique d’une matière liquide en mouvement dont la saisie définitive semble impossible. Patrick Komorowski Agnieszka Polska est représentée par la galerie Żak-Branicka à Berlin. Visuel : Agnieszka Polska, How the Work is Done (still) 1, 2011. 4 — En 1967, le magazine de propagande La Pologne commande à Tadeusz Rolke un reportage sur de jeunes Allemands de l’Ouest effectuant, à l’initiative de l’organisation Aktion Sühnezeichen, un séjour de deux semaines au camp d’Auschwitz-Birkenau. Aktion Sühnezeichen, fondée en 1958, s’était donné pour mission de contribuer à l’effort de reconstruction et à la réconciliation avec les nations persécutées. de la barbarie nazie. Pour Rolke, ce reportage fut un tournant : animé lui aussi par l’espoir, il observa attentivement la transformation de ces jeunes représentants de la nation allemande, dont l’attitude, ainsi que les brefs échanges qu’il eut avec eux, contribuèrent à sa décision de quitter la Pologne en 1970. Le second volet de l’exposition est composé du cycle de photographies Nous étions ici consacré aux shtetls habités par les Hassidim sur les anciens territoires de la IIe République de Pologne – aujourd’hui partagés entre la Lituanie, l’Ukraine et la Pologne. En 1992, la lecture du livre Tadeusz Rolke Sept photos furent publiées pour illustrer un article intitulé « L’espoir » qui, sous le titre « Mon travail à Auschwitz », recueillait les témoignages des jeunes gens, racontant leur prise de conscience a vu le jour au milieu du XVIIIe siècle. Réuni s en communautés autour de maîtres tsadiks, les Hassidim ont décidé de rompre avec l’ascétisme intellectuel prôné par le judaïsme rabbinique, lui préférant une pratique de la spiritualité où la célébration de Dieu consistait à profiter de l’existence, où l’affirmation de la vie était une marque de religiosité. Le chant, la danse et surtout la prière étaient les moyens de rendre l’homme plus proche de Dieu. Dans ces villages, Rolke ne photographie pas uniquement les maisons jadis habitées par des Hassidim. Ce qui lui importe n’est Écran de la mémoire de Martin Buber, Les Récits hassidiques, donna à Rolke l’impulsion à sa quête des lieux de culte du mouvement hassidique, qu’il poursuit encore aujourd’hui. Populaire, mystique, messianique, le mouvement hassidim pas de documenter scrupuleusement ces maisons délabrées comme des reliques, mais de faire l’expérience des lieux, de les éprouver par l’œil en usant d’effets visuels tels que contre-plongées, raccourcis, obliques. […] Malgré leur écart temporel et bien qu’ils relèvent de deux régimes différents, le photojournalisme pour le premier, un auteur au sommet de son art pour le second, les deux corpus exposés à Lectoure semblent liés par la question commune de la représentation des lieux de mémoire et en particulier de ceux liés à la Shoah. […] Patrick Komorowski Né en 1929 à Varsovie où il vit, Tadeusz Rolke s’intéresse très jeune à la photographie. Sa carrière de photoreporter débute au moment du Dégel en 1956. En 1960, il rejoint la rédaction du prestigieux mensuel multilingue Polska destiné au public occidental. Il côtoie les milieux artistiques liés aux galeries d’avant-garde Krzywe Koło et Foksal. En 1970, il s’établit à Hambourg. Ses photos sont publiées dans Der Spiegel, Stern, Die Zeit, Art… Plus d’infos : www.tadeuszrolke.com Commissaire des expositions : Patrick Komorowski Commissaire associée : Gunia Nowik Visuel : Tadeusz Rolke. La Cerisaie 5 — Les deux travaux présentés à Lectoure explorent chacun le médium photographique, en poussant jusqu’à l’extrême ses limites. La photo qui grandit (2011) est une installation in situ réalisée dans l’appartement du photographe photo qui grandit Tarattarrattat Nicolas Grospierre La polonais défunt Tadeusz Suminski à Varsovie. Son principe a consisté à photographier son atelier, où se trouvaient encore toutes ses archives photographiques. La pièce, lors de la première prise de vue était quasiment vide. La photo, une fois prise, fut immédiatement imprimée et accrochée sur les lieux, puis une seconde photo fut prise, imprimée et accrochée, puis une troisième, et ainsi de suite, jusqu’à ce que la pièce soit remplie des représentations successives d’elle-même. Au fur et à mesure du travail, des photos de Suminski furent également tirées des cartons dans lesquelles elles se trouvaient à l’état de négatifs, pour être accrochées et insérées dans le processus de croissance photographique. Cette croissance, à partir d’un certain volume de photos accrochées au mur, a commencé à devenir de plus en plus chaotique, pour ressembler en définitive à la matérialisation de l’idée de l’entropie. Les photos de Suminski, ainsi que toute l’installation, furent soumises à cette entropie galopante. Le résultat final fut une pièce contenant 536 représentations d’elle-même. À Lectoure, j’ai choisi non pas de recommencer cette installation mais de tenter de la reproduire, dans son aspect à la fois spatial, fragmentaire et temporaire. De sorte que j’ai décidé de montrer l’aspect final de l’appartement de Suminski à travers un objet photographique, composé d’un quart de sphère, dans lequel sont collées 84 photos documentant, de façon panoramique et tel que l’on procède Nicolas Grospierre (1975) a grandi en France et vit en Pologne depuis 1999. Après des études à l’Institut d’études politiques de Paris et à la London School of Economics, il se consacre à la photographie. Lion d’Or de la 11e Biennale d’architecture de Venise, il expose dans le monde entier. Son approche documentaire explore la mémoire collective de l’architecture moderniste et de ses espoirs utopistes. Ses travaux conceptuels sont des jeux intellectuels qui mettent en œuvre des images attrayantes ou des installations photographiques. pour un photomontage, la dernière étape de l’installation varsovienne. Ce quart de sphère présente le bureau de Suminski grandeur nature, mais à la manière d’une mosaïque maladroitement réalisée, pour souligner le caractère entropique de l’installation. En parallèle, je présente 25 photos de petit format qui montrent l’évolution de l’installation, depuis la première photo jusqu’à la 536e. Tarattarrattat (2010) fut également une installation in situ, réalisée dans le Palazzo Dona à Venise (siège de la Fondation Signum). Visuel : Nicolas Grospierre, La photo qui grandit, 2011. Deux générations d’avant-garde de la photographie polonaise La Halle — Józef Robakowski, né en 1939 à Poznań, vit à Łódź où il enseigne à l’École nationale de cinéma. Il explore les possibilités du médium cinématographique en dialogue avec l’art contemporain. Il est l’un des artistes et réalisateurs polonais les plus connus associé aux avant-gardes des années 60 et 70. 6 Son travail se caractérise par une franche tendance à transgresser divers genres et média. Il est aussi commissaire d’expositions et cofondateur de plusieurs groupes d’artistes expérimentaux dans la photographie, la vidéo et le cinéma : Zero-61 (1961-1969), l’Atelier des formes filmiques (1970-1977), qui fut au centre de la création expérimentale dans les années 70. Robakowski a commencé par la photographie (Photopeinture en 1958-1967) qu’il a par la suite combinée avec des installations interactives et des objets, puis avec la vidéo et d’autres moyens d’expression. Combiner plusieurs médias est devenue l’une des caractéristiques de son œuvre où le concept d’énergie est récurrent, en particulier dans ses performances filmées. Avec des films comme Hommage à Brejnev (1982-1988), De ma fenêtre (1978-1999), Art is Power (1985), Robakowski est considéré comme l’un des représentants les plus importants de l’art vidéo polonais. Józef Robakowski « La Pologne apparaît comme riche non seulement de techniciens de cinéma prodigieux (chefs opérateurs, musiciens, ingénieurs du son) mais d’artistes à la fois novateurs et aventureux, qui ont utilisé les formes les plus expérimentales pour servir un propos politique souvent courageux. De “l’Octobre polonais” (1956) et des années de relatif dégel jusqu’à la tenue des premières élections libres en Pologne (1989), ces cinéastes ont porté l’exemple d’une créativité qui s’exprimait aux marges de l’appareil industriel et idéologique d’État. Souvent marginalisés par l’histoire officielle du cinéma, centrée sur les longs-métrages narratifs de fiction, leurs films indiquent d’autres voies possibles pour le cinéma, prenant au sérieux l’idée du cinéma comme art. » Présentation de la manifestation « Pologne expérimentale 1956-1989 », à l’ENS Lyon (mars 2013). Les films vidéo et cinéma de Józef Robakowski seront projetés au cinéma Le Sénéchal le 20 juillet à 15 h 30, les 31 juillet et 21 août à 18 h 30. Plus d’infos : www.robakowski.net Visuel : Józef Robakowski, 4 pola ostrości, 1969. Les rendez-vous de l’Été Deux générations d’avant-garde de la photographie polonaise Cinéma Le Sénéchal Projections Projections des œuvres vidéo et cinématographiques de Józef Robakowski. — Samedi 20 juillet à 15 h 30 et mercredis 31 juillet et 21 août à 18 h 30. Cinéma Le Sénéchal. Le jardin des délices Une rencontre gourmande avec un artiste ou un commissaire d’exposition associée à une dégustation légère imaginée par le chef de l’établissement d’accueil. Le jardin des délices est une nouvelle proposition du festival. — Dimanche 28 juillet à 16 h, à la Chocolaterie Baudequin avec Anne Stenne, commissaire de l’exposition L’un photographie, l’autre pas de Guillaume Herbaut et Renaud-Auguste Dormeuil. — Jeudi 1er août à 18 h 30, au restaurant Cigale é Fourmi avec Pierre-Lin Renié, artiste et commissaire d’exposition. Parcours de lectures et musique Dans les expositions avec Andy Lévêque, saxophoniste. — Dimanche 11 août à 15 h. Départ de la Halle. Dialoguer en poésie Soirée poésie d’Europe de l’Est suivie d’une visite de l’exposition de Nicolas Grospierre dans la maison de la Cerisaie. — Samedi 24 août à 19 h. Jardin de la Cerisaie. Ouverture nocturne de la Halle — Lundis 29 juillet et 12 août de 20 h à 23 h, pour les marchés de nuit. Entrée gratuite. Visites commentées des expositions — Samedis et dimanches à 16 h, à partir du 27 juillet. Départ de la Halle avec le forfait d’entrée aux expositions. — Jeudis à 10 h 30, à partir du 25 juillet. Départ de l’Office de tourisme (réservation possible au 05 62 68 76 98). Tarif réduit. — Visites en anglais et espagnol sur rendez-vous. La nuit de votre regard Pour la première fois, projection en extérieur d’images de photographes amateurs réparties dans quatre lieux de Lectoure. Venez à la rencontre des photographes, découvrez leurs images… — Lundi 5 août, à la tombée de la nuit. Place de l’Europe, place de la Bibliothèque, parking des Thermes et place de la Halle. Ateliers Atelier de photo numérique pour les 5-13 ans, sous la conduite d’un étudiant en arts plastiques, les enfants créent librement leurs images en s’inspirant des œuvres exposées à l’Été photographique. — Les vendredis 26 juillet, 2, 9, 16 et 23 août, de 10 h à 12 h. Centre d’art et photographie. Gratuit. Visite-atelier pour adultes animé par Amandine Ginestet. Une approche inattendue de la photo autour de l’exposition L’un photographie, l’autre pas. — Samedi 17 août à 15 h. Centre d’art et photographie. Gratuit. Jeudi 25 10 h 30 Visite commentée (avec l’Office du tourisme) Vendredi 26 10 h / 12 h Atelier photo pour les 5 / 13 ans Samedi 27 16 h Visite commentée Dimanche 28 16 h 18 h Visite commentée Le jardin des délices avec Anne Stenne Lundi 29 20 h / 23 h Ouverture nocturne de la Halle Mercredi 31 18 h 30 Projections des œuvres de Józef Robakowski Calendrier Juillet Autres expositions à Lectoure en juillet-août Dégénérescence programmée par un collectif de 4 artistes bordelais (Raphaël Sabatier, Marion Fogato, Yann Marinier, Odile Sebenne). — Du 21 au 28 juillet, salle Louise Labé. Tél. 05 62 68 98 59 Hervé Samzun, photographies. — Du 20 au 28 juillet au 64 rue Nationale, vernissage le 21 juillet à 17 h. Tél. 06 79 21 35 57 Une nuit avec l’aéropostale de Damien Leroy. — En juillet et août au Studio, 48 rue Nationale. Tél. 05 62 68 82 83 Août Jeudi 1er 10 h 30 18 h 30 Visite commentée (avec l’Office du tourisme) Le jardin des délices avec Pierre-Lin Renié Vendredi 2 10 h / 12 h Atelier photo pour les 5 / 13 ans Samedi 3 16 h Visite commentée Dimanche 4 16 h Visite commentée Lundi 5 21 h La nuit de votre regard Jeudi 8 10 h 30 Visite commentée (avec l’Office du tourisme) Vendredi 9 10 h / 12 h Atelier photo pour les 5 / 13 ans Samedi 10 16 h Visite commentée Dimanche 11 15 h 16 h Parcours de lectures et musique Visite commentée Lundi 12 20 h / 23 h Ouverture nocturne de la Halle Jeudi 15 10 h 30 Visite commentée (avec l’Office du tourisme) Vendredi 16 10 h / 12 h Atelier photo pour les 5 / 13 ans Samedi 17 15 h 16 h Visite-atelier pour adultes Visite commentée Dimanche 18 16 h Visite commentée Mercredi 21 18 h 30 Projections des œuvres de Józef Robakowski Jeudi 22 10 h 30 Visite commentée (avec l’Office du tourisme) Vendredi 23 10 h / 12 h Atelier photo pour les 5 / 13 ans Samedi 24 16 h 19 h Visite commentée Dialoguer en poésie Dimanche 25 16 h Visite commentée Le Centre d’art et photographie de Lectoure est un lieu d’exposition, de rencontre et d’échange, de réflexion, d’expérimentation et de production centré sur les implications de la photographie dans la création artistique et sur la place de l’image dans le monde actuel. Ancré sur un territoire rural, dans le Gers, où il est la seule structure professionnelle présente dans son domaine, il s’inscrit dans le réseau international des institutions consacrées aux arts visuels. Le Centre d’art et photographie soutient l’émergence de nouvelles formes artistiques en leur offrant une vitrine d’exposition largement ouverte au public. L’équipe Direction artistique : François Saint Pierre Administration / Coordination : Solenne Livolsi Régie : Fabrice Bittendiebel et Louis Picard Scénographie de la Halle : Fabrice Bittendiebel Médiation culturelle : Dominique Blanc et les étudiants stagiaires Secrétariat : Claudine Zaccone Communication : Marie Griffon Le Centre d’art et photographie de Lectoure reçoit le soutien de : Ministère de la culture et de la communication (Délégation aux arts plastiques et DRAC Midi-Pyrénées) Conseil régional Midi-Pyrénées Conseil général du Gers Pays Portes de Gascogne Ville de Lectoure Le Centre d’art et photographie de Lectoure est membre des réseaux DCA, Diagonal, Air de midi. Halle 6 Rue Sainte-Claire Cinéma Le Sénéchal Jardin des Marronniers Rue Nationale Cathédrale Place du Général de Gaulle 1 Office de tourisme E Hôtel de ville 2 RN-21 Promenade du Bastion 3 E Centre d’art et photographie Rue Fontélie École J.-F. Bladé Cours Gambetta 5 La Cerisaie Rue des Frères Danzas Fontaine Diane E Expositions Moyens d’accès 1. Hôtel de ville – Ancien tribunal / Salle des Pas perdus, place du Général de Gaulle : En voiture — Renaud Auguste-Dormeuil et Guillaume Herbaut, Emanuela Meloni. 2. École J.-F. Bladé, rue des Frères Danzas, E. Espace public – Hôtel de ville, fontaine Diane, Centre d’art et photographie : — Annette Merkenthaler. 3. Centre d’art et photographie, cours Gambetta : — Pierre-Lin Renié, Bruce Wrighton. Deux générations d’avant-garde de la photographie polonaise 4. La Halle, rue Nationale : — Jerzy Lewczyński, les amis de Lewczyński (Beksiński, Schlabs, Piasecki), Agnieszka Polska, Tadeusz Rolke. — Depuis Paris : A-20 jusqu’à Montauban, puis A-62 direction Bordeaux, sortie Valence d’Agen, puis Lectoure par D-953. — Depuis Toulouse : N-124 direction Auch jusqu’à l’Isle-Jourdain, puis direction Fleurance par D-654 et Lectoure par N-21. — Depuis Bordeaux : A-62, sortie Agen. En train 5. La Cerisaie, rue Fontélie : — Nicolas Grospierre. — Gares TGV de Toulouse et Agen. Correspondances car SNCF : Agen / Lectoure et Auch / Lectoure. 6. Cinéma Le Sénéchal, rue Nationale : En avion — Aéroports de Toulouse-Blagnac et Agen-La Garenne. — Józef Robakowski. Horaires d’ouverture — Tous les jours de 14 à 19 h, sauf Hôtel de ville, fermeture à 18 h. Agen Tarifs — Ensemble des expositions : 9 €, tarif réduit 6 €. — Un lieu : 4 €, tarif réduit 3 €. — Gratuit : moins de 18 ans, adhérents, étudiants en art et médiation culturelle, presse, demandeurs d’emploi, Lectourois (coupons). — Tarif réduit : étudiants. Valence d’Agen Sortie 8 D-40 Lectoure Billetterie Fleurance — Centre d’art et photographie : de 14 h à 19 h. — Halle : de 14 h à 19 h. — Office de tourisme : de 9 h à 13 h et de 14 h à 19 h. D-3 N-21 A-62 Grenade Cologne D-2 D-654 N-124 Blagnac L’Isle-Jourdain Toulouse Mauvezin Auch Centre d’art et photographie de Lectoure Montauban N-20 8 Cours Gambetta 32700 Lectoure 05 62 68 83 72 – [email protected] www.centre-photo-lectoure.fr Photographie : Bruce Wrighton, Young man, Binghamton, NY, 1987. Courtesy Les Douches La Galerie. Graphisme : Yann Febvre. 4