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Expositions de
Renaud Auguste-Dormeuil et Guillaume Herbaut – Emanuela Meloni
Annette Merkenthaler – Pierre-Lin Renié – Bruce Wrighton
Jerzy Lewczyński – Les amis de Lewczyński : Beksiński, Schlabs, Piasecki
Agnieszka Polska – Tadeusz Rolke – Nicolas Grospierre – Józef Robakowski
Centre d’art et photographie de Lectoure
« Que ce soit un paradoxe ou une dialectique, l’étendue
de l’amnésie dans notre culture n’est égalée que par
une fascination toujours plus prégnante pour la mémoire
et le passé. » Andreas Huyssens
Si tous ces artistes ont en commun une volonté
d’exploration, leurs préoccupations sont aussi différentes
d’une génération à l’autre que les contextes historiques
de leurs créations. Ainsi, en Pologne dans les années 50,
le bouillonnement artistique né du dégel qui suit
la mort de Staline remet d’actualité la question du statut
artistique de la photographie. Lewczyński et d’autres
artistes ont alors cherché des formes nouvelles d’écriture
photographique – telles que le montage, la photo
trouvée, l’image négative, etc. – pour sortir de l’impasse
de l’académisme et se libérer du modèle obligé
du reportage. Lewczyński a nommé ses recherches
« anti-photographie » en référence au Nouveau roman
français.
Les photographies de Tadeusz Rolke et de Guillaume
Herbaut, les œuvres de Renaud Auguste-Dormeuil,
dérangent parce qu’elles dévoilent des réalités occultées,
dont la prise en compte oblige à revoir les dogmes,
les idées simples et autres certitudes manichéennes.
Renaud Auguste-Dormeuil et Guillaume Herbaut
se sont rencontrés en 2004 à Lectoure, où ils exposaient
l’un et l’autre. Suite aux échanges nés de cette rencontre,
ils ont conçu pour l’Été photographique 2013 leur première
exposition commune, L’un photographie, l’autre pas,
dont Anne Stenne assure le commissariat. Par des voies
différentes, tous deux s’attachent à révéler les images
oubliées dans le point aveugle des médias.
L’expérience de la photographie
L’Été photographique de Lectoure 2013
a été réalisé :
En collaboration avec :
Musée national de Gliwice (Pologne)
Association Gwin Zegal (Guingamp)
MAC/VAL
FRAC Pays de la Loire
Galerie In Situ
Les Douches La Galerie
Laurence Miller Gallery
Collection Masathis
Avec le soutien de :
Institut polonais à Paris
Institut Adam Mickiewicz
Ambassade de France en Pologne
Goethe Institut de Toulouse
Avec les partenaires de Lectoure :
Ateliers municipaux
Cinéma Le Sénéchal
École Jean-François Bladé
Lycée Saint-Jean
Office de tourisme
Intermarché
Café des sports
La Chocolaterie
Cigale é Fourmi
Fleurons de Lomagne
Pour le repas du vernissage :
Le Floc de Gascogne
Les Floriades
Le Cercle pongiste lectourois
Primeurs Lectourois
Boulangerie Spruyt
Nous remercions particulièrement :
Brigitte Bouvier et Henri Herré
Cezary Pieczyński
Michel Métayer
Grzegorz Krawczyk, directeur du Musée
national de Gliwice
— Sous le titre Deux générations d’avant-garde
de la photographie polonaise, l’Été photographique réunit
cinq expositions qui donnent le ton de l’ensemble
de cette édition : celui de l’expérimentation. En effet, pour
la plupart, les œuvres exposées explorent la singularité
de la photographie et ses potentialités artistiques.
La démarche consistant à pousser le médium à ses limites
est revendiquée par Nicolas Grospierre, né en 1975,
comme elle l’avait été par Jerzy Lewczyński et les
représentants de l’avant-garde polonaise des années 50.
L’expérimentation est également au cœur des projets
artistiques d’Agnieszka Polska, Renaud AugusteDormeuil, Annette Merkenthaler, Pierre-Lin Renié,
mais aussi de Józef Robakowski, dont les films
(vidéo et cinéma) feront l’objet de trois séances au cinéma
de Lectoure.
Cette question de la légitimité artistique de
la photographie n’est plus la préoccupation des artistes
actuels, qui produisent leurs œuvres dans le contexte
de la toute-puissance des médias, des flux continus
d’informations et de la prolifération d’images
dématérialisées sur la toile et les réseaux sociaux.
« Dès que je me suis aperçu que tout allait se ramener
à l’écran, je n’ai eu de cesse de penser aux moyens
de l’éviter, et ce sans pour autant me réfugier dans la forêt.
Il s’agit de préserver des moyens d’action participante,
en inventant une nouvelle situation écologique »
(Józef Robakowski, dans un entretien en 1995).
Une autre tonalité de cet Été est la dimension humaniste
portée par des photographes de quatre générations
– Tadeusz Rolke (1929), Bruce Wrighton (1950-1988),
Guillaume Herbaut (1970), Emanuela Meloni (1987).
Leur approche empathique, lucide et sans complaisance,
en s’abstenant d’esthétiser ou d’idéaliser les personnes
photographiées, s’approche au plus près de la réalité
de leur condition, sans craindre de déranger le spectateur.
Le face à face ne laisse pas d’échappatoire à qui regarde
les portraits de Bruce Wrighton ou d’Emanuela Meloni.
L’artiste allemande Annette Merkenthaler, pour
qui l’espace public est depuis longtemps un terrain
d’expérimentation, installera en plusieurs points
de Lectoure des œuvres spécialement conçues pour
ces lieux (commissariat de Michel Métayer).
Comme à chaque édition, l’Été photographique
privilégie les découvertes : les expositions de Guillaume
Herbaut et Renaud-Auguste Dormeuil, Pierre-Lin Renié,
Annette Merkenthaler ont été créées pour l’Été
photographique ; celles des artistes polonais, dont
le commissariat est assuré par Patrick Komorowski
et Gunia Nowik, n’ont pour la plupart jamais été montrées
en France. François Saint Pierre
1
Hôtel de ville – Ancien tribunal
— Renaud Auguste-Dormeuil et Guillaume Herbaut
se sont rencontrés en 2004 à Lectoure, où ils
exposaient l’un et l’autre pour l’Été photographique.
Suite aux nombreux échanges nés de cette rencontre,
ils ont imaginé une nouvelle mise en perspective
de leur travail dans une exposition commune :
L’un photographie, l’autre pas.
Renaud Auguste-Dormeuil
S’intéressant l’un et l’autre à la fabrication des
images, à leur provenance, leur statut et
leur réception, respectivement depuis les champs
de l’art et du journalisme, Renaud Auguste-Dormeuil
et Guillaume Herbaut nous donnent dans cette
exposition une double lecture de leur obsession
partagée pour la restitution des images manquantes.
Le premier utilise des documents existants comme
des outils révélateurs de sens. Depuis son atelier,
il collecte des images et des documents produits
par les médias, l’administration ou le net, puis
par un travail de fragmentation et de recomposition,
brouille les pistes en se réappropriant les modes
de représentation.
Guillaume Herbaut, photographe, en prise directe
avec le réel, s’immerge durant des mois sur le terrain
(Ciudad Juarez, Tchernobyl, Auschwitz, Nagasaki,
l’Albanie…) et revient parfois plusieurs années
après retrouver les personnes qu’il avait rencontrées
au sein de ces populations en sursis. À la croisée
de plein de chemins, il multiplie les expériences
et les collaborations en explorant à la fois
le photojournalisme, la vidéo, le son et l’écriture.
Commissaire
de l’exposition :
Anne Stenne
Renaud
Auguste-Dormeuil
L’un photographie, l’autre pas, mais chacun choisit
de « faire voir » plutôt que de « faire croire », prenant
à contrepied la sur-médiatisation des événements.
Dans un monde sans limites et sans repères, marqué
par la surabondance d’informations, ils s’arrêtent
sur l’absence même d’image des zones inexplorées
de l’ante et post événement. Aux lisières du visible,
leurs images se situent avant ou après le drame,
que ce soit en revenant sur l’insouciance des instants
qui le précèdent pour Renaud Auguste-Dormeuil ou
sur le traumatisme qui suit pour Guillaume Herbaut,
celles-ci semblent suspendues dans le temps.
— Je travaille essentiellement
sur le document. C’est-à-dire sur
la fabrication du document, et
en tant qu’artiste, il y a deux attitudes
possibles quant à cette question.
Soit l’artiste sort de l’atelier et capte
des images du réel. Il fabrique
alors du témoignage et rapporte
des images devenues des documents.
et Guillaume Herbaut
Sous forme d’ellipse ou de persistance, leurs œuvres
nous troublent et dérangent notre perception
de l’histoire, jusqu’à nous bouleverser. Alors
qu’aujourd’hui, nul ne peut les appréhender de
manière « innocente », que reste-t-il en nous
de ces images, comment font-elles appel à notre
bonne ou à notre mauvaise conscience ?
L’un photographie,
l’autre pas
La deuxième attitude est celle que
j’ai choisie. Ne pas sortir de l’atelier et
collecter des documents et les images
que produisent ou fabriquent
les médias, l’administration, le net…
De ce deuxième point de vue,
la question centrale n’est plus de
savoir comment on fabrique l’image,
mais davantage comment on fait
glisser une image ou un document
dans le champ artistique.
Renaud Auguste-Dormeuil et Guillaume Herbaut
s’engagent, chacun à leur manière, dans une lutte
contre l’oubli et nous révèlent ce qui est dissimulé,
ce qui ne se voit pas ou qui ne se voit plus. En
(re)prenant le contrôle des images et par là-même
celui du langage, ils brisent la narration traditionnelle
et sortent du carcan des représentations habituelles
qui façonnent notre mémoire collective ou individuelle.
Renaud Auguste-Dormeuil,
entretien de Marc-Olivier Whaler dans
Bird’s eye view, 2008.
Dans l’Ancien tribunal, salle après salle, face
à la mémoire des tragédies sourdes de l’histoire
leurs œuvres témoignent d’une résistance
encore possible. Anne Stenne
Anne Stenne est commissaire d’exposition basée à Lyon.
De 2005 à 2009, elle travaille au MACBA à Barcelone, notamment
pour l’exposition « Un théâtre sans théâtre ». Depuis 2010,
elle est chargée des expositions et des projets artistiques
à l’Institut d’art contemporain, Villeurbanne.
Visuel : Renaud Auguste-Dormeuil,
Les Ambitieux, tirage lambda
couleur 18 x 13 cm, 2008. Courtesy
galerie In Situ – Fabienne Leclerc.
Renaud Auguste-Dormeuil (1968) vit entre Paris et Rome. Représenté par la galerie
In Situ – Fabienne Leclerc (Paris), il est invité par le MAC/VAL pour une exposition personnelle
à l’automne 2013. Créée à Lectoure en 2004, son œuvre The Day Before Star System
a été montrée à l’Institut Suisse de New-York, à la Fondation Caixa à Barcelone et au Palais
de Tokyo à Paris.
1
Hôtel de ville – Ancien tribunal
Guillaume Herbaut
— Je pense que le premier objectif
de mon travail, c’est d’être publié
dans la presse. Je fais ce travail pour
les journaux ; je ne le fais pas
pour exposer dans des galeries.
Hôtel de ville – Salle des Pas perdus Au tout début de mon travail, quand
j’étais en noir et blanc, en 24 x 36,
je travaillais déjà avec un preneur
de son qui m’accompagnait sur
mes reportages. Ensuite, je faisais
des courts-métrages à partir de
mes photos. Donc dès le départ j’étais
dans cette problématique de penser
autrement la photographie de
reportage. […]
Le passage à la couleur participe
d’une rupture avec une certaine
manière de faire du photojournalisme,
la rupture avec une école, celle
de l’humanisme en photographie.
Je viens vraiment de là, de ces
photographes qu’on dit humanistes
et je me dis qu’il y a des limites
à cette photographie. Parce que,
après tout, on est toujours en train
de dire, dans la photographie
humaniste : « Regardez, malgré
la pauvreté, ces gens-là vont bien ».
On a un regard complaisant,
occidental sur les choses […]. Je fais
de la photographie pour poser
des questions, je ne donne aucune
réponse, je veux provoquer
des questionnements.
Guillaume Herbaut, entretien dans
peauneuve.net de Guillaume Bozonnet
et Nathalie Petitjean.
Guillaume Herbaut (1970) vit à Paris. Représenté par l’agence Institute for Artist Management,
membre fondateur de l’agence Œil Public. Il a notamment exposé à Visa pour l’image,
au Centre photographique d’Île-de-France, au Jeu de Paume et plus récemment au Pavillon
carré de Baudoin à Paris.
Plus d’infos : www.guillaume-herbaut.com
Visuel : Guillaume Herbaut,
5/7:Urakami, 2005.
1
Au début du XXe siècle, la Sardaigne était une terre
d’accueil privilégiée pour les immigrés qui se destinaient
à travailler dans les mines. Pendant la période fasciste,
aux alentours de 1938, une ville entière, inaugurée
sous le nom de Carbonia, la ville du charbon, a été dessinée
et pensée pour les mineurs qui venaient travailler dans
la région. Cette dernière mine, et ces derniers mineurs,
sont donc l’épilogue d’une tradition séculaire encore
présente mais bientôt destinée à entrer dans le passé.
Hommes et femmes qui marchent pendant des kilomètres
dans des galeries obscures et silencieuses, presque
comme des fantômes, ne sont qu’une « race en voie
d’extinction ».
Mine de charbon, Sardaigne, 2012-2013
Emanuela Meloni Cinquante-sept-mille-six-cent
— Cinquante-sept-mille-six-cent est un projet qui parle
d’un noir profond, celui du centre de la terre, et d’un blanc
aveuglant, celui de la lumière du jour, du soleil du Sud,
trop fort pour des yeux habitués à l’obscurité.
Ce projet parle du temps des derniers mineurs d’Italie
dans l’obscurité et le silence des tunnels. 57 600 est
le nombre d’heures qu’ils passent sous terre pendant
trente ans de leur vie. Sans même réaliser où ils
se trouvent – le ventre d’un animal, un film de sciencefiction – les mineurs marchent comme si la routine
du travail les empêchait de s’arrêter, de regarder autour
d’eux et de réaliser ce qu’ils vivent. Il est étonnant
d’observer leur capacité d’adaptation à cet espace rude,
qui est le leur pendant une grande partie de leur vie.
La force et la fierté autant que la fatigue et la dureté
du travail se révèlent tout à coup sur leur visage,
dans leur regard simple et chargé de sens. Même effacées
par la douche, les traces du charbon les rendent
reconnaissables car elles sont gravées en profondeur
dans leur corps.
Le charbon, le noir ne les abandonnent jamais.
Née en 1987 à Cagliari (Sardaigne), Emanuela Meloni
a fait des études en sciences politiques, puis une licence
de philosophie avant d’être admise à l’École nationale
supérieure de la photographie d’Arles, où elle termine
sa première année.
Eux-mêmes se définissent de la sorte sous l’amertume
de leur rire. Marqués par une histoire commune,
liés par l’expérience du sous-sol, les mineurs portent sur
leurs épaules la responsabilité d’un comportement
humain qui se veut dominateur de la nature. Cette nature
qui, au contraire, les domine de cinq cents mètres de terre
au-dessus de leur tête et leur rappelle continuellement
leur fragilité. Seul, celui qui a travaillé dans
ces profondeurs sait réellement ce que veut dire être
mineur : c’est presque un modus vivendi, quelque chose
qui, avec le temps, l’accompagne même quand il laisse
derrière lui l’obscurité et l’air raréfié.
Être mineur, et l’être en Sardaigne, signifie beaucoup
plus que simplement travailler pour « gagner son pain ».
Ce noir, ces galeries sont les toiles de fond de leur vie.
Leurs visages, leurs yeux sont les dernières
images d’un monde qui risque d’être oublié quand
il n’appartiendra plus qu’au passé. Emanuela Meloni
Visuel : Emanuela Meloni,
Cinquante-sept-mille-six-cent,
2012-2013.
2
École Jean-François Bladé et espace public
— Dans un fossé devant la façade de la mairie, deux
taureaux sont paisiblement couchés au ras d’un tas de
terre où poussent quelques brins d’herbe : voilà Janus.
Le diptyque dédié au dieu à deux visages ouvre et ferme
l’accès du bâtiment. À leurs pieds, l’herbe est née à même
la photographie. De part et d’autre de l’entrée, les deux
pièces continuent aujourd’hui de prêter vie à ce taureau.
Mais elles participent d’un autre temps, celui de l’image,
d’une image travaillée et manipulée : recouverte de terre,
elle fut ensemencée, puis photographiée à nouveau
avant d’être installée en cet oppidum du Gers.
En elle trois temps coexistent : ceux du taureau sur
le champ de foire, de la pousse de l’herbe dans le jardin
l’installation des photographies dans le fossé en contrebas
interdit au visiteur de les voir de face et en entier. Leur
combinaison procède comme d’un démontage du visuel :
l’installation en est un raccourci temporel et spatial.
Annette Merkenthaler, en effet, ne s’embarrasse guère
du réel. Elle joue au contraire à le reconstruire à
sa manière, à le déplacer, l’insérer ailleurs. Creusant le sol,
elle suscite l’apparition divine d’une eau bleue qui
glisse sous sa surface (Diane). Ailleurs surgissent les formes
inattendues d’insectes géants en train de lécher
des gouttes de sirop sur des photos de peau fortement
agrandies (Mouches de Hesse). Tout près de là, l’eau
croupissante et vaseuse d’une bassine est jonchée
de pièces de monnaie (Fortuna). Plus loin, dans un bassin,
le déferlement d’une vague marine flotte entre deux eaux
(La vague) : l’artiste invite à y plonger le regard pour
observer le croisement entre fontaine et vague.
Annette Merkenthaler
de l’artiste et le nôtre comme visiteurs. Aucun des trois
ne dissimule l’inadéquation qui fonde cette composition :
la couleur défraîchie de la photographie du taureau
atteste de sa traversée du temps, le tas de terre et
la couche de la bête s’inscrivent sur des plans en décalage,
Née en 1944, Annette Merkenthaler vit
à Fribourg en Brisgau. Son travail se fonde
sur les modifications que la matière, y compris
celle de la photographie, subit lorsqu’elle est
soumise aux hasards du temps. Une fois fixées
par le cliché, dégradations et complexifications
sont souvent remises en jeu dans un nouvel
abandon au processus du temps.
Car c’est de là, de ce regard porté sur le petit, par
grossissement et alliances insolites, qu’elle tire ses étoiles
quotidiennes, lesquelles feront notre fortune.
Esthétiques, les tensions de ces images naissent
de rapports d’échelle, de l’incongruité de la composition.
Temporelles, elles prennent corps dans la superposition
des strates et leur surgissement soudain. Dans cette
perturbation, le passé rappelle au présent qu’il a été
et existe, aujourd’hui encore. Ainsi, par sa résurgence
bleue, la fontaine de Diane nous signifie-t-elle que
de ses réserves souterraines elle alimentait Lectoure.
Il n’est pas ici de nostalgie d’un passé révolu, seulement
sa persistance dans le présent. Par leurs juxtapositions
fortuites, ces marques configurent intervalles et
topologies anachroniques. Michel Métayer
Michel Métayer (1947) vit à Paris. De 2000 à 2012,
directeur de l’École des beaux-arts de Toulouse.
Commissariat d’expositions, organisation de
colloques, publications, notamment sur la poésie
et la photographie. Depuis 2012, co-directeur
de l’édition intégrale critique des Œuvres et Inédits
de Walter Benjamin (éditions Klincksieck).
Commissaire de l’exposition :
Michel Métayer
Visuel : Annette Merkenthaler,
Fortuna-2, 2011.
Centre d’art et photographie
3
« Levez les yeux vers le ciel,
regardez en bas vers la terre. »
Livre d’Isaïe, 51,6.
— Depuis 2004, par une pratique
quasi quotidienne de la photographie,
j’ai formé une collection de plus
de 2700 images. Simples et
descriptives, de sujets très variés,
elles constituent le matériau
des expositions et publications que
je produis.
Les deux registres, terrestre et
céleste, forment deux voix continues
qui ceinturent l’espace de l’exposition
et courent tout au long des quatre
saisons.
Les deux types d’images utilisés
s’inscrivent dans des genres établis
de l’histoire de la photographie,
ce qui est l’un des aspects récurrents
de mon travail. Le ciel et les nuages
sont un lieu commun de la
Pierre-Lin Renié
Ciel / Sol est un projet spécifique
pour le rez-de-chaussée du Centre
d’art et photographie de Lectoure.
Il se compose de vingt-huit affiches
format « panneaux Decaux »
(176 x 120 cm), collées directement
au mur, bord à bord.
Chacune comprend deux images
prises le même jour ; celle du bas ne
représente que le sol et ce qui s’y
trouve, celle du haut ne représente
que le ciel, plus ou moins nuageux.
Elles sont reliées par un blanc central,
dans lequel s’inscrit la date de prise
de vue.
Ces affiches sont classées par date,
sans tenir compte de l’année.
De janvier à décembre, se déroule
ainsi une année calendaire fictive,
qui en contient en réalité plusieurs
autres. L’ensemble du projet est ainsi
rythmé par l’alternance des saisons.
Visuel : Pierre-Lin Renié,
Ciel-sol, affiche 176 x 120 cm,
5 mars 2013.
Ciel / Sol
photographie, tant chez les amateurs
que les artistes et les scientifiques.
La vue de sol, matières ou détritus,
renvoie aussi bien à une tradition
de la Straight Photography américaine
qu’à celle de l’objet trouvé surréaliste.
De manière plus générale, la vue
en plongée renvoie au vocabulaire
des avant-gardes de la première moitié
du XXe siècle. Au milieu, l’inscription
de la date ancre une ligne d’horizon.
Ciel / Sol revient à définir notre
position continuelle dans l’espace :
regarder en haut, regarder en bas ;
décrire à la fois ce qui est en dessous
de nous, plus ou moins proche, et ce
qui est au dessus de nous, infiniment
lointain. Pierre-Lin Renié
Pierre-Lin Renié (1966), vit à Bordeaux. Il est professeur
à l’École d’enseignement supérieur d’art de Bordeaux.
Diplômé de l’École nationale supérieure de la photographie
d’Arles, il a assuré le commissariat de plusieurs expositions
notamment en tant qu’attaché de conservation au musée
Goupil (Bordeaux).
3
Centre d’art et photographie
— Voici le monde de tous les jours,
comme il existait et comme il existe
encore dans certains endroits,
immeubles modestes rendus
attrayants grâce à de beaux ciels,
rues gribouillées par des lignes
téléphoniques, intérieurs
endimanchés dans des capitonnages
en plastique, consciencieusement
glorifiés par des drapeaux,
rendus pimpants par des appareils
brillamment éclairés, et parfois
involontairement liés au surréalisme
par le voisinage inattendu des objets.
Wrighton regarde ce monde en face,
les problèmes, en ont rempli leur sac
à dos, et se sont présentés face
au photographe.
[…] Patricia Flery (veuve de l’artiste)
disait que son mari n’était pas
un homme politisé et n’a jamais vu
son travail comme une déclaration
politique. Il pensait plutôt qu’il y
avait une sorte de lien entre
les marginaux et les artistes, que
ni l’un ni l’autre ne pouvait réellement
s’adapter et que les personnes
désavantagées économiquement
ou psychologiquement l’étaient
aussi par le fait de ne pas pouvoir
s’exprimer à travers l’art.
At Home
Les années Reagan
D’après Vicky Goldberg
Mais ce qui l’intéressait le plus,
c’était les gens du centre-ville, […]
travailleurs pauvres – hommes et
femmes sous-payés – chômeurs
et personnes marginalisées pour
une raison ou une autre. […]
Quelques-uns auraient presque pu
réussir à intégrer la classe moyenne,
les autres sont des pauvres ou ceux
que la Direction des conseillers
économiques a désignés en 1967
comme des « presque pauvres »,
autrement dit à la merci d’un seul
revers – un emploi perdu,
une maladie, quelques mois de loyers
non payés – pour glisser dans
la pauvreté. La plupart des sujets
de Wrighton ont accumulé
En collaboration avec
les galeries Les Douches La Galerie (Paris)
et Laurence Miller (New York).
Visuel : Bruce Wrighton, Sergio’s Tailor Shop,
Binghamton, NY, 1986. Courtesy Les Douches
La Galerie.
La Halle Deux générations d’avant-garde de la photographie polonaise
— Jerzy Lewczyński (1924) est
un acteur et un témoin de premier
plan de la scène photographique
polonaise de la seconde moitié
du XXe siècle. L’exposition présentée
à Lectoure en partenariat avec
le Musée national de Gliwice est sa
première exposition monographique
à l’étranger. En une centaine
de tirages originaux et d’épreuves
de lecture, allant de 1955 à 2010,
elle retrace les étapes du passage
d’un exercice subjectif du regard
D’après Vicky Goldberg
Bruce Wrighton
le salue chaleureusement et
respectueusement, tout en prenant
note de ces réussites esthétiques
involontaires. […]
4
ce que l’on ne peut voir,
voir ce que l’on ne peut dire.
Jerzy Lewczynski Dire
(les expérimentations formelles
des années 1950), à la pratique de
la photographie trouvée, faisant
de l’image dans sa matérialité
la dépositaire du témoignage.
Issu du milieu amateur, Lewczyński
expose dès les années 1950, décennie
dominée au début par la terreur
stalinienne et le réalisme socialiste
comme unique modèle artistique,
puis, à la faveur du dégel qui a suivi
la mort de Staline, par un important
bouillonnement culturel.
La domination du pictorialisme
en Pologne dans les années
1920-1930 a privé les photographes
de la jeune génération de repères
formels ou théoriques. On voit
apparaître de multiples tendances,
faites d’emprunts tantôt au Bauhaus,
tantôt au surréalisme. C’est dans
ce contexte que Lewczyński fait
ses premières armes en réalisant des
photogrammes, des photomontages
Après des études en arts plastiques, Bruce Wrighton (1950-1988)
a travaillé à Binghamton (New York), ville industrielle en déclin.
L’œuvre comprend trois séries réalisées à la chambre 20 x 25 cm,
près de chez lui dans le centre-ville : Street Portraits met en scène des petites
gens, Dinosaurs and Dreamboats des voitures du temps révolu
d’une Amérique débordante de confiance, St. George and the Dragon
l’intérieur des bars, églises et logements.
par superposition de négatifs
et des photographies usant de
la contre-plongée.
Lewczyński cherche à éviter l’écueil
du formalisme. Si le regard subjectif
sur le monde extérieur est convoqué,
c’est pour dire quelque chose
sur l’homme et ses expériences
passées : la guerre, la faim, la mort,
mais aussi l’espoir, l’humour.
Son approche documentaire laisse
paraître un réalisme sombre,
compensé parfois par l’humour
des titres. La rencontre avec Beksiński
et Schlabs à la fin des années 50
marque un tournant dans son travail,
au moment où la photographie
polonaise voit la montée
en puissance du photoreportage
(cf. l’exposition Les amis de
Lewczyński).
Patrick Komorowski
Dans les années 1960, l’approche
de Lewczyński se fait plus
Commissaire des expositions : Patrick Komorowski
En collaboration avec le Musée de Gliwice.
Coproduction de l’association Gwin Zegal (Guingamp).
Visuel : Jerzy Lewczyński, Triptyque, 1971.
anthropologique. Il documente
les traces écrites laissées
par l’homme : graffitis, inscriptions,
enseignes et s’intéresse aux photos
vernaculaires, images sans qualité
(pierres tombales, vitrines
des studios photographiques…).
À la fin des années 1960, il réitère
le saut conceptuel, la « mise à mort
de l’auteur » en utilisant dans
un polyptique d’abord ses propres
photos de famille, puis celles trouvées
par hasard. Dans les années 1970,
il développe ce travail par
des agrandissements extrêmes
révélant soit des scènes invisibles à
l’œil nu, soit la gélatine du négatif.
Historien de la photographie, spécialiste
de la photographie polonaise, Patrick Komorowski
a codirigé la galerie Asymetria jusqu’en 2011
avant d’ouvrir sa propre galerie à Varsovie.
Deux générations d’avant-garde de la photographie polonaise
La Halle
4
4
Œuvres de la collection Cezary Pieczyński
— À partir de 1957, Lewczyński, Beksiński (1929-2005)
et Schlabs (1920-2009), préparent ensemble plusieurs
expositions, dont La Présentation fermée à Gliwice
en 1959, qui marquera l’histoire de la photographie
polonaise. Outre la forme particulière de la manifestation,
Beksiński et Lewczyński travaillent sur les effets de sens
produits par les associations d’images. Dans un contexte
où l’on donne le photoreportage comme modèle à suivre
pour la photographie artistique, l’exposition est accueillie
sèchement par les critiques. À la fin des années 1950,
Lewczyński se lie d’amitié avec Marek Piasecki (1935-2011),
dont les œuvres abstraites sont exposées aux côtés
du groupe post-surréaliste Phases en 1959.
Les amis de
Lewczynski :
La collection de Cezary Pieczyński
— Établi à Poznań où il dirige la galerie Piekary qu’il
a fondée en 2003, Cezary Pieczyński débute sa collection
dans les années 1990. Il s’est d’abord intéressé à
des artistes polonais et étrangers des XXe et XXIe siècle
Beksinski, Schlabs, Piasecki
Dans La crise de la photographie et les perspectives
pour la surmonter, publié en 1958, Beksiński écrit :
« La photographie vit une crise. Si les opinions varient
sur les raisons de cette crise, une conviction domine quant
à la méthode pour la surmonter : le reportage artistique.
[…] Sans être opposé à celui-ci, je doute des bienfaits
de son influence sur la photographie en général.
En dépit des apparences, il existe dans la crise actuelle
des possibilités de progrès. Personnellement, je n’en vois
que deux : l’usage conventionnel de l’appareil photo
associé au photomontage et, en rupture avec la technique
traditionnelle de la photographie, les recherches
pour transformer la photographie en art abstrait, sans
référence à la réalité. Je ne sais quelle est la voie
la meilleure. […] Il se peut aussi que la photographie
n’ait été un art que pendant un temps, et qu’elle tombe
sous peu dans l’oubli ».
Visuel : Bronislaw Schlabs, Sans titre, circa, 1956.
Courtesy collection Cezary Pieczyński.
En soumettant ce qui relève de
l’antérieur à ce qui relève de l’irréel,
elle s’efforce à la fois de révéler
l’asymétrie et la complémentarité
entre la mémoire cognitive et
l’imagination créatrice.
Dans L’Oubli de noms propres (2009),
Polska s’intéresse à l’une
des carences de la mémoire, décrite
dans le texte éponyme de Freud,
Agnieszka Polska
Plusieurs lignes de force traversent la collection :
celle représentée par les artistes polonais qui ont tenté
de réactualiser les acquis de la Nouvelle Vision dans
les premières années d’après-guerre puis après la fin
du réalisme socialiste à partir de 1953 (Beksiński,
Lewczyński, Janik, Schlabs, Piasecki, Pawłowski…).
La seconde ligne de force va des années 60 à nos jours.
Elle regroupe notamment des artistes des différents
courants de la néo-avant-garde polonaise des années
1960-1970, dont les œuvres sont nées de pratiques liées
au film expérimental ou à l’art vidéo (Robakowski, Waśko),
à l’art corporel (Natalia LL), à l’art conceptuel (Z. Dłubak),
mais aussi des artistes contemporains faisant du corps
l’un des enjeux de la représentation. Enfin, la collection
regroupe un important corpus de photographies
d’artistes étrangers reconnus sur la scène internationale.
par le moment de la reconnaissance
de l’image-souvenir. […]
À Lectoure, à travers trois
de ses films, Agnieszka Polska
questionne les limites de l’objectivité
de la connaissance historique.
et de documents photographiques.
En s’appuyant sur des témoignages
et des photos en noir et blanc,
notamment de Tadeusz Rolke, elle
reconstruit un environnement
(VIIIe Présentation syncrétique, 1968)
de Włodzimierz Borowski […]. Alors
que le lieu d’origine était constitué
d’objets de couleur, la phase finale
de ce travail est un film en noir et blanc
adoptant une forme documentaire.
Polska opère ainsi une analyse
critique de la prétendue transparence
de la photographie, de sa valeur de
témoignage.
La part invisible
faisant usage de différents médiums : peinture,
sculpture, œuvres sur papier et photographie. Depuis
2003, il privilégie la photographie.
À Lectoure, la collection Cezary Pieczyński fait l’objet
pour la première fois d’une exposition hors de Pologne.
Commissaire des expositions :
Patrick Komorowski
— Ricœur rappelait que la mémoire
– « l’énigme de la représentation
présente d’une chose absente qui
exista auparavant » – porte en soi
une contradiction insoluble.
La mémoire, qui est présence en
image de ce qui n’est plus, entretient
un rapport de proximité avec
l’imagination, qui, elle, est présence
en image de ce qui n’est pas.
Pour l’historien, dont la tâche est
d’élaborer un « récit vrai », la transition
de la mémoire à l’histoire passe
La Halle
se manifestant par l’oubli temporaire
de noms propres remplacés
par de fausses réminiscences.[…]
Dans Sensibilisation à la couleur
(2009), elle s’interroge sur
la possibilité de restituer les pratiques
artistiques éphémères des années
1960, auxquelles nous avons
accès par le biais de comptes rendus
Née à Lublin en 1985, Agnieszka Polska vit à Varsovie. Elle a étudié aux académies
des beaux-arts de Cracovie puis de Berlin. Par le biais de la photographie, du photomontage,
du film d’animation et de la vidéo, elle se livre à des réappropriations du passé dont elle
s’efforce d’extraire le sens caché, oublié, refoulé. Si les imperfections de la mémoire constituent
les principaux ressorts de sa pratique, c’est par le prisme de l’erreur d’interprétation,
de l’approximation ou de la mystification qu’elle s’attèle à refaçonner le réel accompli.
Le point de départ du film How
the Work is Done (2011) est une grève
menée en 1956 par des étudiants
de l’académie des beaux-arts
de Cracovie. Alors que la date suggère
que cette action a pu avoir
un caractère politique – la même
année a eu lieu pour la première fois
en République populaire de Pologne
une grève ouvrière réprimée dans
le sang –, le narrateur ne donne pas
de précisions sur les raisons qui
ont poussé les étudiants à occuper
leur atelier, ramenant ainsi l’action
à un pur acte de désobéissance.
Alliant des images d’animation
et des prises de vue réalisées dans
un atelier, Polska souligne
l’importance de la mise en récit
de l’histoire. Le passé y prend la forme
allégorique d’une matière liquide en
mouvement dont la saisie définitive
semble impossible. Patrick Komorowski
Agnieszka Polska est représentée
par la galerie Żak-Branicka à Berlin.
Visuel : Agnieszka Polska,
How the Work is Done (still) 1, 2011.
4
— En 1967, le magazine de
propagande La Pologne commande
à Tadeusz Rolke un reportage
sur de jeunes Allemands de l’Ouest
effectuant, à l’initiative de
l’organisation Aktion Sühnezeichen,
un séjour de deux semaines au camp
d’Auschwitz-Birkenau. Aktion
Sühnezeichen, fondée en 1958, s’était
donné pour mission de contribuer
à l’effort de reconstruction
et à la réconciliation avec les nations
persécutées.
de la barbarie nazie. Pour Rolke,
ce reportage fut un tournant : animé
lui aussi par l’espoir, il observa
attentivement la transformation
de ces jeunes représentants de
la nation allemande, dont l’attitude,
ainsi que les brefs échanges qu’il eut
avec eux, contribuèrent à sa décision
de quitter la Pologne en 1970.
Le second volet de l’exposition est
composé du cycle de photographies
Nous étions ici consacré aux shtetls
habités par les Hassidim sur les
anciens territoires de la IIe République
de Pologne – aujourd’hui partagés
entre la Lituanie, l’Ukraine et la
Pologne. En 1992, la lecture du livre
Tadeusz Rolke
Sept photos furent publiées
pour illustrer un article intitulé
« L’espoir » qui, sous le titre
« Mon travail à Auschwitz », recueillait
les témoignages des jeunes gens,
racontant leur prise de conscience
a vu le jour au milieu du XVIIIe siècle.
Réuni s en communautés autour
de maîtres tsadiks, les Hassidim ont
décidé de rompre avec l’ascétisme
intellectuel prôné par le judaïsme
rabbinique, lui préférant une pratique
de la spiritualité où la célébration
de Dieu consistait à profiter de
l’existence, où l’affirmation de la vie
était une marque de religiosité.
Le chant, la danse et surtout la prière
étaient les moyens de rendre l’homme
plus proche de Dieu.
Dans ces villages, Rolke
ne photographie pas uniquement
les maisons jadis habitées par
des Hassidim. Ce qui lui importe n’est
Écran de la mémoire
de Martin Buber, Les Récits hassidiques,
donna à Rolke l’impulsion à sa quête
des lieux de culte du mouvement
hassidique, qu’il poursuit encore
aujourd’hui. Populaire, mystique,
messianique, le mouvement hassidim
pas de documenter scrupuleusement
ces maisons délabrées comme
des reliques, mais de faire
l’expérience des lieux, de les éprouver
par l’œil en usant d’effets visuels
tels que contre-plongées, raccourcis,
obliques. […]
Malgré leur écart temporel et bien
qu’ils relèvent de deux régimes
différents, le photojournalisme pour
le premier, un auteur au sommet
de son art pour le second, les deux
corpus exposés à Lectoure semblent
liés par la question commune
de la représentation des lieux de
mémoire et en particulier de ceux liés
à la Shoah. […] Patrick Komorowski
Né en 1929 à Varsovie où il vit, Tadeusz Rolke s’intéresse très jeune à la photographie. Sa carrière
de photoreporter débute au moment du Dégel en 1956. En 1960, il rejoint la rédaction du prestigieux
mensuel multilingue Polska destiné au public occidental. Il côtoie les milieux artistiques liés
aux galeries d’avant-garde Krzywe Koło et Foksal. En 1970, il s’établit à Hambourg. Ses photos sont
publiées dans Der Spiegel, Stern, Die Zeit, Art…
Plus d’infos : www.tadeuszrolke.com
Commissaire des expositions :
Patrick Komorowski
Commissaire associée :
Gunia Nowik
Visuel : Tadeusz Rolke.
La Cerisaie
5
— Les deux travaux présentés
à Lectoure explorent chacun
le médium photographique, en
poussant jusqu’à l’extrême
ses limites.
La photo qui grandit (2011) est
une installation in situ réalisée dans
l’appartement du photographe
photo qui grandit
Tarattarrattat
Nicolas Grospierre La
polonais défunt Tadeusz Suminski
à Varsovie. Son principe a consisté à
photographier son atelier, où
se trouvaient encore toutes
ses archives photographiques.
La pièce, lors de la première prise
de vue était quasiment vide. La photo,
une fois prise, fut immédiatement
imprimée et accrochée sur les lieux,
puis une seconde photo fut prise,
imprimée et accrochée, puis une
troisième, et ainsi de suite, jusqu’à
ce que la pièce soit remplie
des représentations successives
d’elle-même. Au fur et à mesure
du travail, des photos de Suminski
furent également tirées des cartons
dans lesquelles elles se trouvaient à
l’état de négatifs, pour être accrochées
et insérées dans le processus
de croissance photographique.
Cette croissance, à partir d’un certain
volume de photos accrochées au mur,
a commencé à devenir de plus en plus
chaotique, pour ressembler en
définitive à la matérialisation de l’idée
de l’entropie. Les photos de Suminski,
ainsi que toute l’installation, furent
soumises à cette entropie galopante.
Le résultat final fut une pièce
contenant 536 représentations
d’elle-même.
À Lectoure, j’ai choisi non pas
de recommencer cette installation
mais de tenter de la reproduire,
dans son aspect à la fois spatial,
fragmentaire et temporaire.
De sorte que j’ai décidé de montrer
l’aspect final de l’appartement
de Suminski à travers un objet
photographique, composé d’un quart
de sphère, dans lequel sont collées
84 photos documentant, de façon
panoramique et tel que l’on procède
Nicolas Grospierre (1975) a grandi en France et vit en Pologne depuis 1999. Après des études
à l’Institut d’études politiques de Paris et à la London School of Economics, il se consacre
à la photographie. Lion d’Or de la 11e Biennale d’architecture de Venise, il expose dans le monde
entier. Son approche documentaire explore la mémoire collective de l’architecture moderniste
et de ses espoirs utopistes. Ses travaux conceptuels sont des jeux intellectuels qui mettent
en œuvre des images attrayantes ou des installations photographiques.
pour un photomontage, la dernière
étape de l’installation varsovienne.
Ce quart de sphère présente
le bureau de Suminski grandeur
nature, mais à la manière
d’une mosaïque maladroitement
réalisée, pour souligner le caractère
entropique de l’installation.
En parallèle, je présente 25 photos
de petit format qui montrent
l’évolution de l’installation, depuis
la première photo jusqu’à la 536e.
Tarattarrattat (2010) fut également
une installation in situ, réalisée
dans le Palazzo Dona à Venise (siège
de la Fondation Signum).
Visuel : Nicolas Grospierre,
La photo qui grandit, 2011.
Deux générations d’avant-garde de la photographie polonaise
La Halle
— Józef Robakowski, né en 1939
à Poznań, vit à Łódź où il enseigne à
l’École nationale de cinéma.
Il explore les possibilités du médium
cinématographique en dialogue
avec l’art contemporain. Il est l’un
des artistes et réalisateurs polonais
les plus connus associé aux
avant-gardes des années 60 et 70.
6
Son travail se caractérise par
une franche tendance à transgresser
divers genres et média. Il est aussi
commissaire d’expositions et
cofondateur de plusieurs groupes
d’artistes expérimentaux dans
la photographie, la vidéo et le cinéma :
Zero-61 (1961-1969), l’Atelier
des formes filmiques (1970-1977),
qui fut au centre de la création
expérimentale dans les années 70.
Robakowski a commencé par
la photographie (Photopeinture en
1958-1967) qu’il a par la suite
combinée avec des installations
interactives et des objets, puis avec
la vidéo et d’autres moyens
d’expression. Combiner plusieurs
médias est devenue l’une
des caractéristiques de son œuvre
où le concept d’énergie est récurrent,
en particulier dans ses performances
filmées. Avec des films comme
Hommage à Brejnev (1982-1988),
De ma fenêtre (1978-1999),
Art is Power (1985), Robakowski
est considéré comme l’un des
représentants les plus importants
de l’art vidéo polonais.
Józef Robakowski
« La Pologne apparaît comme riche
non seulement de techniciens
de cinéma prodigieux (chefs
opérateurs, musiciens, ingénieurs
du son) mais d’artistes à la fois
novateurs et aventureux, qui ont
utilisé les formes les plus
expérimentales pour servir un propos
politique souvent courageux.
De “l’Octobre polonais” (1956)
et des années de relatif dégel jusqu’à
la tenue des premières élections
libres en Pologne (1989), ces cinéastes
ont porté l’exemple d’une créativité
qui s’exprimait aux marges de
l’appareil industriel et idéologique
d’État. Souvent marginalisés par
l’histoire officielle du cinéma, centrée
sur les longs-métrages narratifs de
fiction, leurs films indiquent d’autres
voies possibles pour le cinéma,
prenant au sérieux l’idée du cinéma
comme art. »
Présentation de la manifestation
« Pologne expérimentale 1956-1989 »,
à l’ENS Lyon (mars 2013).
Les films vidéo et cinéma de Józef Robakowski
seront projetés au cinéma Le Sénéchal le 20 juillet
à 15 h 30, les 31 juillet et 21 août à 18 h 30.
Plus d’infos : www.robakowski.net
Visuel : Józef Robakowski,
4 pola ostrości, 1969.
Les rendez-vous de l’Été
Deux générations d’avant-garde de la photographie polonaise
Cinéma Le Sénéchal
Projections
Projections des œuvres vidéo et cinématographiques
de Józef Robakowski.
— Samedi 20 juillet à 15 h 30 et mercredis 31 juillet et 21 août à 18 h 30.
Cinéma Le Sénéchal.
Le jardin des délices
Une rencontre gourmande avec un artiste ou un commissaire
d’exposition associée à une dégustation légère imaginée par le chef
de l’établissement d’accueil.
Le jardin des délices est une nouvelle proposition du festival.
— Dimanche 28 juillet à 16 h, à la Chocolaterie Baudequin
avec Anne Stenne, commissaire de l’exposition L’un photographie, l’autre pas
de Guillaume Herbaut et Renaud-Auguste Dormeuil.
— Jeudi 1er août à 18 h 30, au restaurant Cigale é Fourmi avec Pierre-Lin Renié,
artiste et commissaire d’exposition.
Parcours de lectures et musique
Dans les expositions avec Andy Lévêque, saxophoniste.
— Dimanche 11 août à 15 h. Départ de la Halle.
Dialoguer en poésie
Soirée poésie d’Europe de l’Est suivie d’une visite de l’exposition
de Nicolas Grospierre dans la maison de la Cerisaie.
— Samedi 24 août à 19 h. Jardin de la Cerisaie.
Ouverture nocturne de la Halle
— Lundis 29 juillet et 12 août de 20 h à 23 h, pour les marchés de nuit.
Entrée gratuite.
Visites commentées des expositions
— Samedis et dimanches à 16 h, à partir du 27 juillet. Départ de la Halle
avec le forfait d’entrée aux expositions.
— Jeudis à 10 h 30, à partir du 25 juillet. Départ de l’Office de tourisme
(réservation possible au 05 62 68 76 98). Tarif réduit.
— Visites en anglais et espagnol sur rendez-vous.
La nuit de votre regard
Pour la première fois, projection en extérieur d’images de photographes
amateurs réparties dans quatre lieux de Lectoure.
Venez à la rencontre des photographes, découvrez leurs images…
— Lundi 5 août, à la tombée de la nuit. Place de l’Europe,
place de la Bibliothèque, parking des Thermes et place de la Halle.
Ateliers
Atelier de photo numérique pour les 5-13 ans, sous la conduite
d’un étudiant en arts plastiques, les enfants créent librement leurs images
en s’inspirant des œuvres exposées à l’Été photographique.
— Les vendredis 26 juillet, 2, 9, 16 et 23 août, de 10 h à 12 h. Centre d’art
et photographie. Gratuit.
Visite-atelier pour adultes animé par Amandine Ginestet. Une approche
inattendue de la photo autour de l’exposition L’un photographie, l’autre pas.
— Samedi 17 août à 15 h. Centre d’art et photographie. Gratuit.
Jeudi 25 10 h 30
Visite commentée (avec l’Office du tourisme)
Vendredi 26 10 h / 12 h
Atelier photo pour les 5 / 13 ans
Samedi 27 16 h
Visite commentée
Dimanche 28 16 h
18 h
Visite commentée
Le jardin des délices avec Anne Stenne
Lundi 29 20 h / 23 h
Ouverture nocturne de la Halle
Mercredi 31 18 h 30
Projections des œuvres de Józef Robakowski
Calendrier
Juillet
Autres expositions
à Lectoure en juillet-août
Dégénérescence programmée
par un collectif de 4 artistes bordelais
(Raphaël Sabatier, Marion Fogato, Yann Marinier,
Odile Sebenne).
— Du 21 au 28 juillet, salle Louise Labé.
Tél. 05 62 68 98 59
Hervé Samzun, photographies.
— Du 20 au 28 juillet au 64 rue Nationale,
vernissage le 21 juillet à 17 h. Tél. 06 79 21 35 57
Une nuit avec l’aéropostale de Damien Leroy.
— En juillet et août au Studio, 48 rue Nationale.
Tél. 05 62 68 82 83
Août
Jeudi 1er 10 h 30
18 h 30
Visite commentée (avec l’Office du tourisme)
Le jardin des délices avec Pierre-Lin Renié
Vendredi 2 10 h / 12 h
Atelier photo pour les 5 / 13 ans
Samedi 3 16 h
Visite commentée
Dimanche 4 16 h
Visite commentée
Lundi 5 21 h
La nuit de votre regard
Jeudi 8 10 h 30
Visite commentée (avec l’Office du tourisme)
Vendredi 9 10 h / 12 h
Atelier photo pour les 5 / 13 ans
Samedi 10 16 h
Visite commentée
Dimanche 11 15 h
16 h
Parcours de lectures et musique
Visite commentée
Lundi 12 20 h / 23 h
Ouverture nocturne de la Halle
Jeudi 15 10 h 30
Visite commentée (avec l’Office du tourisme)
Vendredi 16 10 h / 12 h
Atelier photo pour les 5 / 13 ans
Samedi 17 15 h
16 h
Visite-atelier pour adultes
Visite commentée
Dimanche 18 16 h
Visite commentée
Mercredi 21 18 h 30
Projections des œuvres de Józef Robakowski
Jeudi 22 10 h 30
Visite commentée (avec l’Office du tourisme)
Vendredi 23 10 h / 12 h
Atelier photo pour les 5 / 13 ans
Samedi 24 16 h
19 h
Visite commentée
Dialoguer en poésie
Dimanche 25 16 h
Visite commentée
Le Centre d’art et photographie de Lectoure
est un lieu d’exposition, de rencontre et d’échange,
de réflexion, d’expérimentation et de production
centré sur les implications de la photographie dans
la création artistique et sur la place de l’image
dans le monde actuel.
Ancré sur un territoire rural, dans le Gers, où il est
la seule structure professionnelle présente dans
son domaine, il s’inscrit dans le réseau international
des institutions consacrées aux arts visuels.
Le Centre d’art et photographie soutient l’émergence
de nouvelles formes artistiques en leur offrant
une vitrine d’exposition largement ouverte au public.
L’équipe
Direction artistique : François Saint Pierre
Administration / Coordination : Solenne Livolsi
Régie : Fabrice Bittendiebel et Louis Picard
Scénographie de la Halle : Fabrice Bittendiebel
Médiation culturelle : Dominique Blanc
et les étudiants stagiaires
Secrétariat : Claudine Zaccone
Communication : Marie Griffon
Le Centre d’art et photographie de Lectoure
reçoit le soutien de :
Ministère de la culture et de la communication
(Délégation aux arts plastiques et DRAC Midi-Pyrénées)
Conseil régional Midi-Pyrénées
Conseil général du Gers
Pays Portes de Gascogne
Ville de Lectoure
Le Centre d’art et photographie de Lectoure
est membre des réseaux DCA, Diagonal, Air de midi.
Halle
6
Rue Sainte-Claire
Cinéma Le Sénéchal
Jardin des
Marronniers
Rue Nationale
Cathédrale
Place du Général de Gaulle
1
Office de tourisme
E
Hôtel de ville
2
RN-21
Promenade
du Bastion
3 E
Centre d’art
et photographie
Rue Fontélie
École J.-F. Bladé
Cours Gambetta
5 La Cerisaie
Rue des Frères Danzas
Fontaine Diane E
Expositions
Moyens d’accès
1. Hôtel de ville – Ancien tribunal / Salle des Pas perdus, place du Général de Gaulle :
En voiture
— Renaud Auguste-Dormeuil et Guillaume Herbaut, Emanuela Meloni.
2. École J.-F. Bladé, rue des Frères Danzas,
E. Espace public – Hôtel de ville, fontaine Diane, Centre d’art et photographie :
— Annette Merkenthaler.
3. Centre d’art et photographie, cours Gambetta :
— Pierre-Lin Renié, Bruce Wrighton.
Deux générations d’avant-garde de la photographie polonaise
4. La Halle, rue Nationale :
— Jerzy Lewczyński, les amis de Lewczyński (Beksiński, Schlabs,
Piasecki), Agnieszka Polska, Tadeusz Rolke.
— Depuis Paris : A-20 jusqu’à
Montauban, puis A-62 direction
Bordeaux, sortie Valence d’Agen,
puis Lectoure par D-953.
— Depuis Toulouse : N-124 direction
Auch jusqu’à l’Isle-Jourdain,
puis direction Fleurance par D-654
et Lectoure par N-21.
— Depuis Bordeaux : A-62, sortie Agen.
En train
5. La Cerisaie, rue Fontélie :
— Nicolas Grospierre.
— Gares TGV de Toulouse et Agen.
Correspondances car SNCF :
Agen / Lectoure et Auch / Lectoure.
6. Cinéma Le Sénéchal, rue Nationale :
En avion
— Aéroports de Toulouse-Blagnac
et Agen-La Garenne.
— Józef Robakowski.
Horaires d’ouverture — Tous les jours de 14 à 19 h, sauf Hôtel de ville, fermeture à 18 h.
Agen
Tarifs
— Ensemble des expositions : 9 €, tarif réduit 6 €.
— Un lieu : 4 €, tarif réduit 3 €.
— Gratuit : moins de 18 ans, adhérents, étudiants en art et médiation
culturelle, presse, demandeurs d’emploi, Lectourois (coupons).
— Tarif réduit : étudiants.
Valence d’Agen
Sortie 8
D-40
Lectoure
Billetterie
Fleurance
— Centre d’art et photographie : de 14 h à 19 h.
— Halle : de 14 h à 19 h.
— Office de tourisme : de 9 h à 13 h et de 14 h à 19 h.
D-3
N-21
A-62
Grenade
Cologne
D-2
D-654
N-124
Blagnac
L’Isle-Jourdain
Toulouse
Mauvezin
Auch
Centre d’art
et photographie
de Lectoure
Montauban
N-20
8 Cours Gambetta 32700 Lectoure
05 62 68 83 72 – [email protected]
www.centre-photo-lectoure.fr
Photographie : Bruce Wrighton, Young man, Binghamton, NY, 1987. Courtesy Les Douches La Galerie. Graphisme : Yann Febvre.
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